Vendredi 19 avril 2024
Concerts & dépendances
Spiritualité sur la colline de Vézelay - Jour 2
mercredi 31 août 2016 à 09h57

Depuis la basilique de Vézelay, après être descendu de la colline à travers bois et champs, on rejoint Asquins (prononcer « Aquins ») – où Maurice Clavel termina ses jours –, pour le concert de milieu d’après-midi « Paz, Salam et Shalon » d’Emmanuel Bardon et son ensemble Canticum Novum, à l’église Saint-Jacques. À travers ce programme œcuménique de cantigas d’Alphonse Le Sage, chants séfarade et instrumentaux turque et berbère, les musiciens ont voulu célébrer l’idée de la « coexistence pacifique » des chrétiens, musulmans et juifs durant sept siècles, à partir de la conquête musulmane de la péninsule ibérique en 711. Outre la voix, bien sûr – Barbara Kusa a d’ailleurs de bien meilleures dispositions pour le chant que le fondateur de Canticum Novum –, on observe que la plupart des instruments sont communs aux trois populations : oud, tambourin, flûtes, kamânche, vièle, kanun, rebec, etc. En revanche, l’enchaînement au sein d’un même concert d’un instrumental traditionnel d’Alexandrie – aussi magnifique que fut cette mise en bouche Las Estrellas de los cielos –, avec un poème médiéval consacré à la Vierge Marie comme le Cantiga 209 « Muito faz grand’erro… » d’Alphonse X Le Sage, ne fait que mettre en évidence les différences de style, de fonction, sans parler de l’époque… Au-delà du pur raffinement sonore montait peu à peu la frustration : n’aurait-il pas été préférable de se concentrer uniquement sur les Cantigas du XIIIème siècle, ou bien le chant séfarade, ou encore sur ces airs à danser de la Méditerranée ?

Confrontation plus réussie, en soirée, avec l’ensemble La Tempête qui, remplaçant au pied levé le Chœur Magnificat de Budapest, avait composé un « office imaginaire orthodoxe, du coucher jusqu’à l’aube » à partir des Vigiles nocturnes op. 37 (ouVêpres) de Rachmaninov en y intercalant des passages du Cantique du soleil de Sofia Gubaïdulina. A priori, rien ne rapproche les deux compositeurs, si ce n’est qu’ils sont nés en Russie, à plus d’un demi-siècle de distance : 1873 pour le premier, 1931 pour la Tatare. Conçu par le chef de chœur Simon-Pierre Bestion, ce montage offrait en outre une scénographie originale, La Tempête évoluant du fond de la nef en un chant planant univoque pour se séparer ensuite en deux voies distinctes dans les allées, afin de rejoindre le chœur de la basilique. Jeux de scène et de lumière entre les solistes et l’ensemble debout, assis ou couché : un light-show  des plus efficaces pour une musique basée sur des airs traditionnels de Kiev — avec d’impressionnantes notes finales dans le grave (si bémol) demandées aux basses. Le classicisme épuré et enveloppant de Rachmaninov entrait en résonance avec les glissements spectraux du Cantique du soleil d’après Saint François d’Assise, pour violoncelle, percussion et chœur de chambre. Léger bémol pour cette œuvre tardive (1997) : la partie de violoncelle solo, à l’écriture peu développée et aux accords répétitifs systématiquement dans le grave, affadit quelque peu la partition qui paraît s’éterniser. Mais qu’importe, car le final, déclamé par les vingt-quatre voix individualisées de La Tempête, révèle un ensemble d’une tenue exceptionnelle.    

Franck Mallet

Rencontres musicales de Vézelay, 19 août. Photo : La Tempête © François Zuidberg 

 

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