Au Châtelet, les Parisiens continuent à faire leur éducation en matière de musical. Après La Mélodie du bonheur, A Little Night Music et quelques autres, voici Show Boat, l’ancêtre (1927), l’acte fondateur du genre. On y assiste, sur une musique qui a fait son chemin (Ol’Man River et autres tubes), à trente ans d’histoire de l’Amérique. Les auteurs, Jerome Kern (musique) et Oscar Hammerstein II (livret), ont fait fort : on y voit une chanteuse de music hall rejetée parce qu’elle a du sang noir et des couples improbables liés par une incompréhensible passion, tous embarqués sur un show boat, un de ces bateaux théâtres qui sillonnaient le Mississippi. Venue de Cap Town, où la ségrégation n’est pas un lointain souvenir, la production n’est pas riche et la mise en scène ne doit pas être beaucoup plus moderne que celle de Maurice Lehmann, lors de la création française en 1929, déjà au Châtelet. C’est peut-être cela le plus émouvant, cette pièce de musée donnée comme un morceau d’actualité par une troupe qui a l’air de jouer sa vie. Comme tout le monde chante et bouge bien, on n’a jamais l’impression de voir un spectacle au rabais. Prochaine résurrection, en décembre : My Fair Lady. Encore une histoire cruelle sous des dehors souriants.
François Lafon
Théâtre du Châtelet, Paris, jusqu’au 19 octobre.
Crédit : © Malin Arnesson