Nouvelle mise en scène à l’Opéra Bastille du Rigoletto de Verdi, remplaçant celle, très usée, de Jérôme Savary et complétant la « trilogie populaire » (avec Le Trouvère et La Traviata) programmée cette année. En représentant justement estimé du Regietheater à l’allemande, Claus Guth (psych)analyse le mélo hugolien (Le Roi s’amuse) revu par le librettiste Piave et nous en explique le pourquoi du comment. Il va chercher chez Hésiode (VIIème siècle av. J.C.) l’idée maîtresse du spectacle : telle la boîte de Pandore (« Seule l’Espérance resta dans la boîte, arrêtée par ses bords »), la scène devient la projection du drame intime du bouffon trainant dans son errance la robe ensanglantée de sa fille assassinée. Deux Rigoletto (celui qui se souvient et celui qui agit), Gilda enfant (projections au ralenti), un Duc cocaïnomane, une Maddalena meneuse de revue (effet de la coco chez Le Duc ?) évoluent donc dans une boîte de petits Lu géante, fréquentée aussi par des courtisans comploteurs et gesticulants sortis du film Men in black. Mais Verdi, qui n’en demande pas tant, n’a pas son pareil pour rejeter le greffon, et tant pis pour ceux qui auront du mal à retrouver le texte sous l’éxégèse. Ils pourront s’appuyer sur la musique, servie sans magie mais avec efficacité par le chef Nicola Luisotti et par un plateau solide, où le ténor Michael Fabiano fait bel effet en dépit d’une certaine tendance à faire durer la note, où la soprano Olga Peretyatko est impeccable à défaut d’être émouvante, où la grande Vesselina Kasarova joue (si l’on peut dire) les utilités, mais où le baryton Quinn Kelsey s’impose comme le Rigoletto du moment.
François Lafon
Opéra National de Paris – Bastille jusqu’au 30 mai (deux distributions prévues). En direct au cinéma le 26 avril, sur Culture Box à partir du 28 avril et sur France 2 ultérieurement.
En différé sur France Musique le 28 mai Photo © Monika Riitershaus