Aux Bouffes du Nord, Adesso voglio Musica e basta (A présent, je ne veux que musique et basta), voyage à travers le monde (pas seulement mais très) musical de Pippo Delbono, acteur, danseur, dramaturge, metteur en scène et cinéaste, habitué à Paris du Théâtre du Rond-Point, délaissant cette fois son théâtre esthétiquement incorrect et politiquement offensif pour raconter en trois concerts-performances le monde tel qu’il l’entend. C’est, dans Il Sangue (Le Sang), une variation sur le mythe d’Œdipe où, accompagnée au luth, au oud et à la guitare électrique par la formidable Ilaria Fantin, la voix protéiforme de Petra Magoni confère à de simples chansons - d’"Alleluia" de Jeff Buckley à "Both Sides now" de Joni Mitchell – des couleurs baroco-intemporelles. C’est le lendemain, une lecture de La Notte (La Nuit juste avant les forêts), monologue superbe et halluciné de Bernard-Marie Koltès que Delbono joue, surjoue, paraphrase et musicalise, secondé par la guitare électrique de son complice de longue date Piero Corso à la manière du groupe rock britannique Dire Straits. Moment fort : le duo final d’Il Sangue par Petra Magoni et Bobo, handicapé à la présence fantastique, interprète fétiche du Delbono circus. Comme un condensé de l’art de ce virtuose aux allures d’improvisateur, descendant par son père de Paganini en personne.
François Lafon
Bouffes du Nord, Paris, du 29 mars au 2 avril Photo © Chiara Ferrin