Dans le cadre de Piano aux Jacobins (Toulouse) délocalisé au théâtre de l’Athénée (Paris), Philippe Bianconi joue les 24 Préludes de Debussy. Noir dans la salle, lumière, l’artiste est en place, musique : typique de ce Français plus connu à l’étranger que dans son pays natal (il n’est pas le seul), reconnu comme un maître mais peu soucieux de vendre son image. Pris un par un, ces Préludes sont d’étranges paysages mentaux, rendus plus insaisissables encore par leurs titres : « Ce qu’a vu le vent d’ouest », « La Cathédrale engloutie », « Général Lavine-eccentric », « La Terrasse des audiences au clair de lune ». Donnés à la suite les uns des autres, ils ont des effets de drogue dure : éléphants roses et/ou bad trip. Dans l’enregistrement qu’il en a réalisé l’année dernière (voir ici), Bianconi ne joue ni les gourous ni les maîtres d’école : respect du texte, précision du dessin, mais aussi une étonnante liberté à se mouvoir dans ce monde sans repères apparents. Ce soir, après un début troublé par la pluie sur le toit du théâtre (un 25ème Prélude intitulé « Gouttes d’eau sur le Palais des illusions » ?), il faut attendre le 2ème Livre, après l’entracte, pour entreprendre le grand voyage. En bis : une explosive « Isle joyeuse », « pour dissiper les dernières vapeurs ». On revient de loin, en effet.
François Lafon