A Bobigny, l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris donne Orphée et Eurydice de Gluck. Dominique Pitoiset et Stephen Taylor, les metteurs en scène, ont passé la pastorale au Kärcher : un appartement high tech, une femme assassinée (salle de bains ensanglantée, les Experts en pleine enquête), un homme (un musicien) qui visite l’enfer et entrevoit le paradis entre ses quatre murs, veillé par une jeune délurée nommée Amour. Et tout cela dans le théâtre qui a vu, il y a un quart de siècle, les premiers signes du regietheater avec les opéras de Mozart revus par Peter Sellars. Musicalement, un travail impeccable. Geoffroy Jourdain, avec l’Ensemble Ostinato et son Jeune Chœur de Paris, retrouve le ton exact, encore classique et déjà romantique, de la version revue par Berlioz de cet opéra à métamorphoses. Effet pervers de la réussite, on place la barre très haut : Marianne Crebassa est stupéfiante en Orphée, on la met tout naturellement en concurrence avec les grandes interprètes du rôle. On en oublierait qu’elle n’a que vingt-trois ans. Salle bondée, rangs entiers de décideurs culturels. L’Atelier, qui forme par tranches de trois ans des décathloniens du chant et alimente les distributions de l’Opéra, est devenu le lieu où il se passe quelque chose. Une sorte d’oasis dans un paysage lyrique en mode mineur.
François Lafon
MC 93, Bobigny, les 4, 6 et 8 mai à 20h30. Représentations scolaires les 3 et 5 mai à 14h30.