Vendredi 29 mars 2024
Concerts & dépendances
Opéra Comique : La Nonne sanglante et l’air du temps
dimanche 3 juin 2018 à 01h13
Résurrection à l’Opéra Comique de La Nonne sanglante, dans le cadre du festival Palazzetto  Bru Zane consacré cette année au bicentenaire Gounod. Un titre accrocheur pour ce deuxième essai lyrique du futur compositeur de Faust, adapté d’un épisode du roman gothique de M.G. Lewis Le Moine, mythifié par les romantiques et revivifié au XXème siècle par Antonin Artaud. Rien à voir pourtant avec les exploits gore d’une serial killeuse en cornette : abandonné en cours de route par Berlioz (pourtant initiateur du projet), refusé par Halévy et Félicien David, proposé en vain à Verdi, le livret de Scribe (vite parodié au boulevard sous le titre La Bonne sanglante) est une fable néo-hamlétienne autant que pré-freudienne, où un jeune amoureux jure fidélité au spectre d’une religieuse qu’il confond avec sa bien-aimée, le sortilège qui s’ensuit ne pouvant être conjuré que par la mort de l’assassin de la nonne, lequel se trouve être … le père du jeune homme, qui se sacrifiera pour le bonheur de son fils. Un scénario dans l’air du temps (1854), ni plus ni moins échevelé que bien d’autres, mais qui avait le défaut de ne pas se prêter assez aisément au grand-air-que-l’on-attend. Un siècle et demi plus tard, c’est dans les chœurs, les ensembles ou les intermèdes orchestraux qu’on pressent le « grand » Gounod, le déséquilibre musico-dramatique venant principalement de l’effacement de la plupart des personnages devant le héros de l’histoire, requérant un ténor à l’endurance et aux moyens phénoménaux. Par chance, le phénomène est ce soir Michael Spyres, connu dans Rossini et Berlioz (il ne fait qu’une bouchée de l’Enée des Troyens) et qui fait justement crouler une salle en partie venue pour lui, entouré d’une troupe impeccable (une spécialité maison décidément) où se distinguent Vanina Santoni en Fiancée, Marion Lebègue en Nonne et Jodie Devos en page travesti à l’aigu triomphant. Probablement sollicité pour réitérer le cocktail gagnant (folie romantique + violence contemporaine) de sa Lucrèce Borgia (Victor Hugo) avec Béatrice Dalle, le metteur en scène David Bobée cultive le noir gothique sans quitter un premier degré étonnement prudent, tandis que Laurence Equilbey, à la tête d’un Chœur Accentus exemplaire et d’un Insula Orchestra plus fragile, met en valeur les influences weberiennes de l’ouvrage (Le Freischutz, par moments, n’est pas loin). 
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 14 juin. En direct sur Cluturebox le 12 juin (Photo©Pierre Grosbois)

 

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