Au Châtelet, nouvelle production signée Chen Shi-Zheng de Nixon in China, l’opéra de John Adams donné pour la première fois en France en 1991 dans la mise en scène de Peter Sellars. A l’hyperréalisme de l’Américain répond l’abstraction « pop art de l’après-Révolution culturelle » du Chinois (qui vit aux USA depuis 1987) et de sa décoratrice Shilpa Gupta. « Lors de la création de l’opéra aux Etats-Unis, explique celui-ci, Nixon était décrit comme le pire président américain de l’histoire, mais pour ma génération, en Chine, c’est encore un héros ». L’œuvre, de toute façon, renvoie dos à dos les deux univers qui se rencontrent lors de cette visite « historique » de Nixon à Mao en 1972. Ce curieux opéra, trop long, bizarrement fichu (d’acte en acte, le vernis officiel craque, pour laisser les grands de ce monde égarés face à eux-mêmes, tandis que Zhou Enlai cède au doute), tombe à pic dans le contexte actuel. La musique de John Adams première manière – de somptueuses draperies orchestrales sur des rythmes répétés à l’infini – ajoute elle-même à la vacuité du discours des politiques. Un discours fort bien chanté, avec les belcantistes June Anderson et Sumi Jo en épouses présidentielles. Comme quoi, quand il le veut, l’opéra peut parler au présent (ou presque).
François Lafon
Châtelet, Paris, les 10, 12, 14, 16, 18 avril Photo © DR