« Musique au coeur du Médoc. Des rendez-vous inoubliables entre musique et vins ». L'intitulé sentirait son marketing si une vidéo, diffusée la saison dernière, ne montrait un concours de chant plutôt convivial, sérieux sans jouer à la compétition incontournable et définitive. Arrivé, pour la troisième édition de cet OVNI dans le paysage musical, à la gare de Margaux, c'est à dire au bout du monde, mais un bout du monde dont le moindre village, le moindre château portent un nom de cru classé. Règle du jeu : musique française. Cette année : Berlioz, Meyerbeer, Offenbach. Deux Français d'adoption sur trois : tendance. Les organisateurs Elisabeth Vidal et André Cognet, chanteurs eux-mêmes et amoureux (ce qui n'est pas si fréquent) des voix des autres, sont aux cent coups : le nuage de cendres islandais fait fondre le jury (Dalton Baldwin est cloué à New York et Michel Plasson à Parme), et la grève des trains disperse les candidats. Une douzaine, surtout des filles, tentent leur chance devant un jury restreint, impressionnés par le truculent Henri Maier, ancien directeur de l'Opéra de Leipzig, et par Sylvia Sass, la Callas hongroise, star d'une époque où les brûleurs de planches foulaient encore les scènes. Premier jour : éliminatoires. Les candidats font le grand écart entre le romantisme berliozien et le délire offenbachiesque. Résultats inattendus : La Grande Duchesse de Gérolstein déteint sur La Damnation de Faust. Une basse franco-anglaise manie le premier degré selon Meyerbeer avec un aplomb imperturbable. Conclusion d'une des initiatrices du projet, hôtesse d'un des châteaux cernés de vignes où se déroulent les épreuves : "On peut multiplier à l'infini les dégustations de voix comme les dégustations de vins. Le mystère reste entier". Discussion avec les quatre éliminés du jour : "Ce n'est pas une sanction, mais une invitation à progresser", précise André Cognet. En ce temps de paradoxe, où l'autorité ne fait plus recette mais où la télévision booste son audience avec des compétitions de dîners en ville, tout cela est très tendance.
François Lafon