Aux Bouffes du Nord, Te craindre en ton absence, monodrame pour une actrice, un ensemble de douze instrumentistes et électronique, texte de Marie Ndiaye, musique d’Hector Parra, mise en scène de Georges Lavaudant. Un objet théâtro-musical dans la lignée de Cassandre de Michael Jarrell et Christa Wolf (voir ici), avec les mêmes interprètes Astrid Bas et l’Ensemble Intercontemporain (CD Kairos). Le texte, distribué à l’entrée, est riche et souvent beau. Une femme rapporte à ses parents les cendres de sa sœur. Elle marche - superbe idée - sur un sol brûlé traversé d’un chemin de plumes blanches : « Notre mère se meurt par-delà les blés, et les dures saisons l’ont faite à leur image ». La musique est riche elle aussi, efflorescente même, mêlant avec science la nostalgie et la brutalité. Qu’est-ce qui fonctionnait alors dans Cassandre, qu’on ne retrouve pas ici ? Au-dessus de l’ensemble instrumental, impeccable sous la direction de Julien Leroy, des phrases s’inscrivent, dédoublées, avant que l’actrice ne les prononce. Une union naturelle se fait entre les sons et ces mots écrits, rares, répétés, comme des notes sur une portée, alors que dans la bouche de l’actrice, pourtant impeccable elle aussi, le texte parasite la musique et est parasité par elle. « Prima la musica, dopo le parole » … ou le contraire : la Querelle des Bouffons ne sera jamais terminée.
François Lafon
Bouffes du Nord, Paris, 4, 5, 7, 8 mars. En tournée saison 2014/2015, dont le 4 octobre au Festival Musica / Strasbourg. Photo © DR