Aux Bouffes du Nord, concert du Quatuor Zemilnsky. Dans le hall, Pierre-Emile Barbier vend lui-même les enregistrements de son label Praga Digitals. « Ce soir, ils jouent Haydn, Mozart et Beethoven. La salle est pleine et les disques partent. Le seul que je n’arrive pas à vendre, c’est leur album … Zemlinsky ». Affluence en effet pour ces lauréats du Concours de Bordeaux, élèves de Walter Levin (fondateur du Quauor LaSalle) et Josef Kluson (violoncelliste du Quatuor Prazak). Pour le public, tout cela compte : depuis une vingtaine d’années, et grâce à des mordus comme Barbier et Georges Zeisel (créateur de l’association ProQuartet et d’ailleurs présent ce soir), le quatuor à cordes, genre réputé élitiste – donc rébarbatif – est à la mode. Ecoute religieuse de « L’Empereur » de Haydn, sourires entendus quand commence le deuxième mouvement, qui deviendra l’hymne national allemand. Les Zemlinsky perpétuent la tradition bohémienne d’interprétation : riches sonorités, propension à souligner les aspects populaires de cette musique aristocratique. Frantisek Soucek, le premier violon, est fâché avec la justesse, mais il est la pile électrique de l’ensemble. Cela fonctionne dans Beethoven (Quatuor n°18), et surtout dans « Les Dissonances » de Mozart, où l’équilibre classique est à la fois contredit et magnifié. En bis : le finale du Quatuor « Américain » de Dvorak et la Barcarolle de Josef Suk, joués « comme là-bas ». Même pour les accros, la couleur locale est payante.
François Lafon
Photo © Thomas Bican