Vendredi 19 avril 2024
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Les Gurrelieder par Esa-Pekka Salonen, triple anniversaire
mercredi 27 juin 2018 à 01h31
Au festival de Saint-Denis : Gurrelieder de Schönberg dirigé par Esa-Pekka Salonen avec le Philharmonia Orchestra. Double anniversaire, triple même : le cinquantième du festival (d’où la programmation, plus luxueuse encore que de coutume) et le soixantième du chef, lequel est depuis dix ans principal conductor du Philharmonia. Œuvre monstre digne de l’occasion, requérant un orchestre énorme, des chœurs nombreux et cinq solistes au format wagnérien, plus un (ici une) récitant(e) expérimentant un sprechgesang encore éloigné de celui de Moïse et Aaron.  Car Schönberg avait vingt-six ans lorsqu’il commença cette cantate-symphonie-suite de lieder inspirée d’une légende danoise, opéra sans images, wagnérisant, mahlérisant et chromatisant, poussant le système tonal jusqu’à un point de non-retour dont il assumera les conséquences en inventant la « nouvelle musique ». Ironie du sort : ce n’est qu’onze ans plus tard (1911) qu’il termina l’ouvrage (on sent, dans l’orchestration, le passage du temps), créé en 1913 sous la baguette de Franz Schreker, lui valant un triomphe qui ne lui fit pas autant plaisir qu’il l’aurait dû de la part d’un public qui entre temps ne l’avait pas suivi dans ses expériences d’« atonalité libre ». Tout cela, Salonen le prend en compte, impressionniste quand il le faut (Schönberg recherchait moins l’effet de masse que les alliages de timbres), fulgurant dans les ruptures de ton, maîtrisant l’acoustique … d’église de la basilique, sans jamais verser dans la sentimentalité ni dans les transes que permettrait cette histoire d’amour brisé débouchant sur la chevauchée désespérée d’une armée de spectres. Orchestre et chœurs superlatifs, plateau vocal équilibré à défaut d’être exceptionnel - presque celui que Salonen avait dirigé à Pleyel en 2014 -, avec Robert Dean Smith, plus Tristan que jamais, Michelle DeYoung, plus impressionnante qu’émouvante en Ramier colporteur de mauvaises nouvelles, l’actrice Barbara Sukowa toujours unique en récitante délirante et Camilla Tilling remplaçant Alwyn Mellor, jolie voix un peu juste dans un rôle marqué naguère par Jessye Norman. 
François Lafon

Basilique de Saint-Denis, 26 juin. Festival de Saint-Denis, jusqu’au 5 juillet (Photo © HSBenjamin Suomela)

 

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