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Les Boréades, grand vent à Dijon
dimanche 24 mars 2019 à 22h37
A l’Opéra-Auditorium de Dijon : Les Boréades de Jean-Philippe Rameau. Une forme d’accomplissement dans la ville natale du compositeur que cette ultime tragédie lyrique frappée deux siècles et demi durant d’un sort étrange : annulation de la création en 1764 pour cause de décès de Rameau ou/et parce que l’ouvrage posait  trop de problèmes techniques, en réalité parce que des formules telles « Le bien suprême, c’est la liberté » (livret non signé mais presque sûrement de Louis de Cahusac) ne passait déjà pas vingt avant Le Mariage de Figaro, polémique fortement médiatisée un peu plus de deux siècles plus tard due à des complications juridico-artistiques, les droits d’exploitation de l’ouvrage ayant été confiées - selon la loi française, mais pas internationale -  par la Bibliothèque Nationale à un éditeur privé. Toutes tempêtes calmées, reste un chef-d’œuvre en forme de bilan, celui de Rameau vis-à-vis de la tragédie lyrique qu’il aura défendue jusqu’au bout, géniale démonstration que pour corseté qu’il soit, le genre permettait bien des innovations. Pas facile, même habillés d’une musique somptueuse, de mettre en scène le Vent du Nord (Borée) et ses fils (les Boréades), ceux-ci prétendant selon la coutume ancestrale soumettre une belle insoumise. Le justement adulé Barrie Kosky, directeur du Komische Oper de Berlin (coproducteur du spectacle) dont la relecture du Castor et Pollux de Rameau a laissé un grand souvenir à Dijon, a évité les pièges : pas de transposition ni d’actualisation attendues (la scène se passe en Bactriane, c’est-à-dire en Afghanistan), mais une « boite magique » s’ouvrant par le milieu, où une princesse rêve d’un amour libre de toute contrainte pour se retrouver seule après que le monde ancien (« Ne vous souvenez de vos peines que pour mieux sentir vos plaisirs ») aura été balayé par le vent de l’histoire. Gestique virtuose (chacun poussé par les vents contraires), ballets électrisés par six danseurs mi-baroques mi-Tex Avery entraînant des choristes déchaînés eux-aussi, plateau vocal équilibré dominé par le couple Hélène Guilmette - Mathias Vidal – ce dernier vrai haute-contre "à la française" – et par l’éclectique Emmanuelle De Negri dans un quadruple rôle, tous dirigés de main de maître par Emmanuelle Haïm à la tête de son Concert d’Astrée (orchestre et chœurs), autant à son affaire dans les grandes envolées dont l’ouvrage est généreux que dans la tendre autant que célèbre « Entrée de Polymnie ».
François Lafon

Opéra de Dijon - Auditorium, jusqu’au 28 mars - A venir sur Culturebox et Mezzo - DVD Warner en 2021 (Photo © Gilles Abegg - Opéra de Dijon)

 

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