Au théâtre de l’Athénée, Not I, Footfalls et Rockaby, trois monodrames pour femme seule de Samuel Beckett, par la comédienne irlandaise Lisa Dwan. Obscurité totale, d’où se détache une bouche débitant un flot de paroles longtemps retenues (Not I), une silhouette faisant les cent pas tandis que sa mère se meurt (Footfalls), un buste de femme apparaissant et disparaissant dans le balancement d’un rocking-chair (Rockaby). Pas de sous-titres, le rythme commandé par les lèvres, les pas, le fauteuil, les hauteurs commandées par les différentes voix (la mère, la fille, le souvenir, le cri) en direct ou traitées électroniquement suffisant (?) à donner le sens. « Le plus important, c’est de lire le texte comme une partition musicale », explique Lisa Dwan. « C’est comme de la musique, une sorte de Schoenberg dans sa tête », disait de Not I sa créatrice Billie Whitelaw. « Vous diriez peut-être que c’est du Bach, si vous parlez de musique ancienne, mais je vous dirai que c’est aussi bien du Webern ou du Boulez », ajoutait Madeleine Renaud, première interprète française de l’oeuvre. « Une sonate pour voix d’actrice », disait de Rockaby le critique Ned Chailley. Insistance, au-delà de la précision et de la virtuosité exigée (et en ces domaines, Lisa Dwan est prodigieuse), sur la forme musicale de ces textes que Beckett, lui-même musicien et excellent pianiste, ne supportait pas d’entendre autrement que « chantés juste » (il s’est brouillé à ce propos avec quelques comédien(ne)s, Madeleine Renaud en tête) et sur lesquels il ne voulait pas qu’un compositeur déposât des notes, fût-ce Pierre Boulez, lequel, après la disparition de l’écrivain, aurait caressé l’idée de porter En attendant Godot à l’opéra.
François Lafon
Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 15 mars