Nouvelle Traviata à l’Opéra Bastille, mise en scène par le cinéaste Benoit Jacquot. Deux options pour appréhender ce tube de l’art lyrique : rédemption par l’amour de la Dévoyée – angle de vue qui a enfanté et enfante encore toute une littérature lacrymale et bien-pensante – ou portrait d’une irrécupérable, dont la mort seule peut satisfaire la société, et dont la clé réside dans le cri de l’agonisante : « Mourir si jeune ! ». En décembre dernier à la Scala de Milan, Diana Damrau dirigée par le metteur en scène Dmitri Tcherniakov incarnait jusqu’au malaise cette femme broyée. La voilà aujourd’hui à Paris en Traviata première option, dans un spectacle qui se veut à la fois respectueux et signifiant, mais finit par ne plus signifier grand-chose. Jacquot, dont le Werther sur la même scène (voir ici) était comme réanimé de l’intérieur, se contente cette fois de laisser les chanteurs faire comme d’habitude, dans un décor réduit à quelques éléments encombrants (dont un lit géant, au cas où l’on n’aurait pas compris que…) perdus dans un espace ouvert où se perd aussi le son. Est-ce pour cela que le chef Daniel Oren dirige à gros traits ? Damrau – voix aérienne aux aigus filés alla Caballé – n’exprime rien que de conventionnel mais enchante les amoureux de belles notes, tandis que le ténor Francesco Demuro s’égosille et que le baryton Ludovic Tézier campe un père noble dans la grande tradition. Triomphe collectif au rideau final, comme si La Traviata n’était pas aussi un chef-d’œuvre de théâtre en musique.
François Lafon
Opéra National de Paris Bastille, jusqu’au 20 juin. En direct le 7 juin sur France Musique et le 17 à 19h30 dans des salles UGC et indépendantes dans le cadre de la saison Viva l’opéra Photo © Opéra de Paris