Presse nombreuse, atmosphère de première à l’Opéra Bastille pour la reprise de La Khovantchina de Moussorgski dans la mise en scène pourtant peu mémorable d’Andrei Serban (2001). Beau plateau (Larissa Diadkova, Vladimir Galouzine, Orlin Anastassov), chœur valeureux (c’est lui le personnage principal), direction sans génie mais orthodoxe (si l’on peut dire) de Michail Jurowski, père de Vladimir et Dmitri, chefs eux aussi. Le spectacle n’a pour lui que de chercher à clarifier l’intrigue – en gros l’ouverture à l’ouest de la Russie, sous Pierre le Grand, par l’élimination des féodaux dissidents et des intégristes religieux. Mais qu’on en saisisse ou non les détails, ce monument imparfait, inachevé – donné ici dans la scrupuleuse mise au propre de Chostakovitch – est un champ de mines moins que jamais désamorcées : nationalisme, fondamentalisme, communautarisme, conspirationnisme. La dernière scène, où l’on voit les Vieux Croyants s’immoler par le feu, est d’autant plus dérangeante que la musique en est céleste. « Les personnages ne sont pas des nihilistes ni des partisans du chaos. Ils cherchent tous le bien et le salut de leur pays » note le metteur en scène dans sa déclaration d’intentions. C’est bien là le plus effrayant.
François Lafon
Opéra de Paris Bastille, jusqu'au 9 février. En direct sur France Musique le 9 février. Photo © Opéra de Paris