Création, à la salle Pleyel, du Concerto pour piano « La Vie antérieure » de Karol Beffa, par Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris, avec Andreas Haefliger en soliste. Public des grands jours - presse internationale, gratin musical, sponsors et politiques - pour ce quart d’heure de musique au titre baudelairien, œuvre d’un surdoué bien ancré dans l’institution musicale, et point de mire d’un programme lui conférant une flatteuse antériorité : Le Tombeau de Couperin de Ravel et Le Sacre du printemps de Stravinsky (deux adieux opposées au « monde d’avant »), et le génial et ambigu 24ème Concerto pour piano de Mozart, joué aussi par Andreas Haefliger. Une antériorité dangereuse aussi : bien sonnante, jazzy alla Ravel mais n’oubliant pas de rendre hommage à Dutilleux et Ligeti (les modèles contemporains de Beffa), instaurant un jeu ambigu (revoilà Mozart) plutôt que conflictuel entre le soliste et l’orchestre, cette « Vie antérieure » passe un peu inaperçue. Succès fracassant pour l’orchestre – spécialement les percussionnistes – dans Le Sacre du Printemps, plus discret pour le pianiste – assez neutre dans Mozart, raffiné chez Beffa. « Les tout-puissants accords de leur riche musique » (Baudelaire) auront toujours raison des « couleurs du couchant » (idem).
François Lafon