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Concerts & dépendances
La Chauve-souris, haute voltige à l’Académie
jeudi 14 mars 2019 à 01h31
A la MC 93 de Bobigny : La Chauve-souris de Johann Strauss fils, par l’Académie de l’Opéra de Paris. En guise d’introduction, la metteur en scène Célie Pauthe explique en voix off qu’elle ne savait trop quoi faire de l’opérette préférée des Viennois, jusqu’à ce qu’elle découvre que celle-ci avait été montée par les prisonniers du camp « modèle » de Terezin, promis à la mort après avoir été utilisés par la propagande nazie. Deux questions donc : pourquoi La Chauve-souris, là et à ce moment ? , et comment La Chauve-souris aujourd’hui, avec une troupe de jeunes chanteurs venus de tous les pays ? Elément de réponse pour le première (extrait du premier acte) : « Heureux celui qui oublie ce qu’on ne peut changer ». La seconde est plus pragmatique mais non moins abyssale : « Quelle meilleure machine de théâtre que cette histoire débridée, où chacun joue un personnage qu’il n’est pas ? » Une façon donc d’évoquer la danse sur un volcan dont les Viennois se sont fait une spécialité, et de faire apparaître le double sens d’un texte pas si innocent, tel « Ce cher pays où j’étais si heureuse » évoqué par la fausse Magyare Rosalinde dans sa Czardas du 2ème acte. Dans la pièce de Sarah Berthiaume Yukonstyle comme dans Des Arbres à abattre de Thomas Bernhard (Théâtre de la Colline), Célie Pauthe avait trouvé la juste distance pour explorer les confins du monde et de la conscience. Ici, elle insiste : longs panoramiques d’une visite filmée de Terezin, poème du déporté Robert Desnos (« Or, du fond de la nuit… ») en surimpression, extraits du célèbre documentaire nazi « Le Führer offre une ville aux juifs », commenté au troisième acte par Frosch, le geôlier porté sur la bouteille. Cela fait baisser le tonus du spectacle, comme si les déportés n’avaient pas eu besoin, face au pire, de  « faire comme si …» en se mesurant justement au symbole le plus frivole du monde d’avant. Les académiciens de l’Opéra se dépensent en tout cas sans compter dans l’exercice de haute voltige consistant à jouer (en français) et à chanter (en allemand) une musique vocalement aussi exigeante que celle de  bien des opéras « sérieux », accompagnés par un petit ensemble (membres de l’Académie et de l’Orchestre-Atelier Ostinato) évoquant les valses de Strauss adaptées par Schönberg ou Webern (réduction Didier Puntos), plus important que le duo piano-harmonium utilisé - selon le compositeur déporté Viktor Ullmann - à Terezin, mais trop discret pour relancer la perpetuum mobile straussien.
François Lafon 

MC 93, Bobigny, jusqu’au 23 mars - Les 2 Scènes, Besançon, du 3 au 5 avril – Théâtre Impérial de Compiègne le 26 avril – Maison de la culture d’Amiens, du 15 au 17 mai – MC2 Grenoble du 22 au 24 mai. Deux distributions en alternance (Photo © DR)

 

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