Question : pourquoi une nouvelle production de Jules César au Palais Garnier ? La précédente a été maintes fois reprise, alors que nombre d’opéras de Handel n’y ont jamais été donnés. Réponse : parce que Natalie Dessay voulait chanter Cléopâtre, et que la maison lui devait bien un spectacle tout neuf. Question : en quoi la nouvelle mise en scène de Laurent Pelly marque-t-elle un progrès sur l’ancienne, signée Nicholas Hytner ? Réponse : comme celle de Peter Sellars, qui a fait date et qui remonte elle aussi à la fin des années 1980, la relecture de Hytner nous montrait, dans un esprit BD (genre Tintin et Milou dans Les Cigares du Pharaon), le choc orient-occident sur fond de puits de pétrole. Pelly, lui, imagine César, Cléopâtre, Ptolémée et Cornélie hantant les remises de musée du Caire, où travaillent des magasiniers qui ne soupçonnent même pas leur présence. Question : et c’est plus actuel que les dictatures à l’ombre des derricks ? Réponse : au théâtre (et à l’opéra), la contestation est aujourd’hui moins politique, plus désabusée, plus dure et désespérée à la fois. Regardez les programmations du festival d’Avignon. Dernière question : et la musique dans tout ça ? Réponse : elle va son train sous la direction fluctuante d’Emmanuelle Haïm. Le plateau est correct, avec une Dessay s’affirmant d’air en air (elle en a huit, plus un duo) et apportant partout ce petit quelque chose qui n’est qu’à elle. Question subsidiaire : il reste des places ? Réponse : pas beaucoup, mais on pourra voir le spectacle en direct dans le circuit UGC le 7 février. Et si vous flanchez à l’idée d’endurer - sur scène ou sur écran - quatre heures d’alternance airs-récitatifs, écoutez le dernier album de Natalie Dessay chez Virgin : les huit airs en question, dont certains sont parmi les plus beaux de Handel.
François Lafon
A l’Opéra National de Paris - Garnier, les 20, 23, 27, 29 janvier, 1er, 4, 7, 10, 12, 14, 17 février
Photo : Natalie Dessay. Crédit : Agathe Poupeney / Opéra national de Paris