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Il primo Omicidio de Scarlatti, rien moins qu’austère
vendredi 25 janvier 2019 à 00h47
Au Palais Garnier : Il Primo Omicidio, oratorio à six voix d’Alessandro Scarlatti (1707). En scène, Adam, Eve et leurs enfants Abel et Caïn - celui-ci commettant le premier homicide en tuant celui-là - Dieu et le Diable, pas de chœur. Aux commandes : Romeo Castellucci (mise en scène, scénographie, costumes, éclairages) et René Jacobs (direction), le premier annonçant une réflexion sur « le mystère de la présence du Mal chez Dieu », le second décrivant la musique comme « volontairement pas dramatique ». Un spectacle rien moins qu’austère pourtant, justifiant pour une fois la théâtralisation d’une œuvre conçue pour le concert. En 1998, Jacobs avait ressuscité au disque (comme chef et soliste : il était la voix … de Dieu) cet opus oublié dans la riche production de Scarlatti (trente oratorios, une centaine d’opéras, entre autres). En Castellucci, maître de l’immatériel scénique, il a trouvé le partenaire rêvé pour faire avec cet ouvrage ses débuts (à soixante-douze ans !) dans la fosse de l’Opéra de Paris. Première partie littérale mais très référentielle, dans le style castellucien : fonds mouvants, symbolique des couleurs, gestique descriptive renvoyant à la rhétorique baroque en peinture, agneau sacrifié par Abel symbolisé par une grande poche de sang, le tout sous une immense Annonciation de Simone Martini tête en bas, comme une guillotine menaçant les chanteurs : « Ave-Eva, Marie croit en l’Ange, Eve au Serpent ». Il faudra cependant attendre le meurtre primordial pour que frappe l’Idée sans laquelle Castellucci ne serait pas Castellucci : les protagonistes disparaissent dans la fosse, remplacés sur scène par des enfants à leur image. « On se retrouve brutalement confrontés à l’innocence », explique le maître. Ambiguïté non moins castelluccienne pour finir, lorsque lesdits enfants couvrent la terre d’une grande bâche de plastique, tandis que la voix divine annonce la Bonne Nouvelle : « Il pourrait s’agir d’enfants qui jouent à re-faire la création, comme un jeu de rôle ». Tout cela porté, transcendé par une musique inspirée, dont Jacobs, selon son habitude, a enrichi l’orchestration « sans céder à la vanité » pour le grand espace du Palais Garnier, dirigeant son bien-aimé B’Rock Orchestra (créé en 2005 à Gand) et des solistes impeccables (« Je dois inviter mes chanteurs à trouver une forme de chasteté ») avec le mélange de somptuosité et de recueillement qui le caractérise. 
François Lafon 

Opéra National de Paris, Palais Garnier, jusqu'au 23 février. En différé sur France Musique le 17 mars (Photo © Bernd Uhlig / OnP)

 

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