Vendredi 29 mars 2024
Concerts & dépendances
Hamlet : Ambroise Thomas et la technologie de pointe
mardi 18 décembre 2018 à 01h49
A l’Opéra Comique : Hamlet d’Ambroise Thomas. « On peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants, » disait Alexandre Dumas, dont l’adaptation rien moins que philologique de la pièce de Shakespeare a servi de modèle aux librettistes Barbier et Carré.  Résultat : un grand opéra à la française, histoire d’amour (malheureux) et de famille (criminelle) où en lieu et place de « The rest is silence », on chante en guise de (presque) happy end « Vive Hamlet ! Vive notre roi ! » A ce beau monstre remis à la mode par des barytons auxquels on ne refuse rien (Thomas Hampson en tête), le metteur en scène Cyril Teste a appliqué la recette qui lui a réussi la saison dernière dans Festen (une autre histoire de famille, d’après le film de Thomas Vinterberg) : raccords virtuoses entre extérieur (filmé en direct) et intérieur (la scène comme un studio), « jeu transparent » (les acteurs, habillés comme tous les jours, restant eux-mêmes tout en interprétant leurs personnages), le tout faisant appel à une technologie si pointue qu’en ce soir de première, les interférences dues à des mobiles mal éteints ont retardé de dix minutes le début du spectacle. Que de sophistication et d’effets-mode pour un drame romantique paré d’une musique qui fonctionne à défaut d’être mémorable, est-on tenté de se dire. Mais l’ensemble lui aussi « fonctionne », le pirandellisme techno (théâtre dans le théâtre dans le … cinéma) collant tout compte fait mieux au sujet qu’une tentative de réinjection d’une dose de Shakespeare dans un organisme qui l’a si soigneusement édulcoré. Cela va aussi dans le sens du chef Louis Langrée, lequel, avec un Orchestre des Champs-Elysées à sa main, met en valeur les finesses (effets stéréo hardis, première utilisation du saxophone à l’opéra) de cette musique réputée académique. Et puis Stéphane Degout et Sabine Devieilhe forment un couple Hamlet-Ophélie crédible et suprêmement bien-chantant, entouré en particulier de la toujours émouvante Sylvie Brunet-Grupposo en Reine fourvoyée et de l’impressionnant Jérôme Varnier, Spectre du roi assassiné surgissant du public et se perdant dans la foule une fois la justice rendue.
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 29 décembre (Photo © Vincent Pontet)

 

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