Vendredi 19 avril 2024
Concerts & dépendances
Guillaume Tell à Lyon : Noir c’est noir
lundi 7 octobre 2019 à 11h04
Guillaume Tell, l’ultime ouvrage lyrique de Rossini a décidément le vent en poupe, puisqu’à peine trois mois après Orange (voir ici), l’Opéra de Lyon affiche une nouvelle production confiée à l’Allemand Tobias Kratzer, inconnu en France mais habitué des scènes germaniques – son précédent spectacle étant le Tannhäuser de cet été, à Bayreuth. 
 
En revanche, sur scène, il s’agit de retrouver le baryton Nicola Alaimo, pour qui le rôle titre n’a plus de secret ; ici plus encore qu’à Orange, on goûte ses qualités. La capacité, les notes, certes, tout est là – mais en outre la dimension spirituelle du héros s’incarne dans une expression riche et subtile. Adieu folklore helvète, ses forêts, ses vaches et ses costumes folklo : nous sommes ici face à une immense photo noir et blanc des Alpes en fond de scène, qui va peu à peu s’obscurcir de coulées sombres au fur et à mesure des avancées de l’occupant habsbourgeois, jusqu’à devenir un « outrenoir » à la Pierre Soulages. D’un côté les Helvètes, sobrement vêtus… de noir et blanc, de l’autre, les mauvais garçons chargés de propager la terreur, en salopette beige tachée, croquenots et chapeaux ronds noirs – revisitant le look des « Droogs » d’Orange Mécanique. Le seul moment où la couleur apparaîtra, c’est à l’acte III, scène où les Suisses sont malmenés par l’envahisseur qui les oblige à se déshabiller pour endosser des costumes folkloriques aux couleurs criardes : l’une des images fortes de cette mise en scène épurée. 
 
Le metteur en scène, assisté de Demis Volpi pour la chorégraphie, maîtrise avec esprit les différents ballets, confiés à trois couples de danseurs, et sollicite avec efficacité le Chœur de l’Opéra, qu’il plie à une scénographie amplement renouvelée à chaque scène ; il s’en sort magnifiquement, d’autant plus que Rossini ne le ménage pas, lui non plus. En revanche, on apprécie moins l’affèterie qui fait mettre dans leurs mains des instruments de musique qu’ils transforment en pseudo arbalètes au moment du soulèvement ; mais il lui sera pardonné, car l’idée magique de Kratzer est d’avoir dédoublé le personnage du fils de Guillaume, Jemmy. D’un côté, la soprano Jennifer Courcier, de l’autre un figurant de la Maîtrise de l’Opéra (ce soir-là, Martin Falque), petit bonhomme dont la présence – l’omniprésence ! – ajoute une émotion incomparable au spectacle. Ce personnage sans parole volerait presque la vedette aux deux femmes qui l’entourent et le cajolent : Enkelejda Shkoza (Hedwige, sa mère) et Jane Archibald (Mathilde). Le ténor John Osborn (Contes d’Hoffmann à Lyon, en 2012) reprend le rôle écrasant d’Arnold, auquel il apporte une diction parfaite – même si, çà et là, la voix manque d’ampleur. Direction d’orchestre idoine de Daniele Rustioni, chef principal de l’Opéra de Lyon, qui fait respirer la partition en en magnifiant la dynamique. Chef et metteur en scène devraient d’ailleurs se retrouver prochainement, à Lyon, autour d’une trilogie Massenet (Thaïs, Hérodiade et Werther), ainsi qu’à Aix, avec de nouveau Rossini : Moïse, en 2023.
Franck Mallet
 
Lyon, Opéra, 5 octobre (Photo © Bertrand Stofleth)
Prochaines représentations : Lundi 7, mercredi 9, vendredi 11, dimanche 13, mardi 15 et Jeudi 17 octobre.
 
 

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