Les deux concertos pour violoncelle de Chostakovitch (1959 et 1966) sont tous deux dédiés à - et ont été créé par - Mstislav Rostropovitch. Le second, sa dernière œuvre concertante, s’ouvre par une phrase grave et méditative du soliste, et pendant assez longtemps, il n’y a guère de virtuosité. Même dans les deux mouvements suivants, enchainés et marqués l‘un et l’autre Allegretto, l’introspection domine, par delà leurs roulements de tambour et leurs sonorités de xylophone. Après un Prélude à l’après-midi d’un Faune d’un beau mystère, la violoncelliste Sol Gabetta, née en Argentine de parents français et russe, a interprété l’ouvrage de l’intérieur, sans ostentation, dévoilant peu à peu ses secrets. L’Orchestre philharmonique de Radio France et Mikko Franck ont ensuite attaqué la Cinquième Symphonie de Sibelius (1919) : un univers fort différent, porté par un orchestre aux plans multiples, aux perspectives spatiales, et des tempos changeants, s’imbriquant les uns dans les autres. Dans cette Cinquième, on attend les chefs aux tournants, et dieu sait s’ils sont nombreux : le grand sommet soudant les parties lente et rapide du premier mouvement, la conclusion de ce mouvement, qu’il faut couper net, et surtout les six accords finaux, largement et irrégulièrement espacés, tranchants, qui doivent se suivre sans que la tension se relâche. Mikko Franck était au rendez-vous, dirigeant de façon tantôt paisible, tantôt péremptoire, tirant des cordes graves, dans les épisodes aux limites du silence, des accents fugitifs et néanmoins très pointus.
Marc Vignal
Philharmonie de Paris, 21 avril Photo © DR