A la fin de sa vie, Sibelius déclare à propos de Bartok : « C’était un grand génie, mais il est mort dans la pauvreté en Amérique. J’ignore ce qu’il pensait de ma musique, mais j’ai toujours tenu la sienne en grande estime. » Le chef finlandais Jukka-Pekka Saraste et la Philharmonie de Rotterdam programment ensemble les deux compositeurs, en commençant par la Suite de danses du Hongrois (1923) : belles sonorités cuivrées, rythmes implacables, forte entrée en matière. Avant l’entracte, la soprano Karita Mattila chante non sans postures théâtrales les Quatre instants (2003) de sa compatriote Kaija Saariaho (née en 1952), sur des textes en français d’Amin Maalouf : une musique dépeignant avec sensualité, mais peu de contrastes, les « paysages du cœur féminin ». Luonnotar de Sibelius (1913) est une fascinante évocation - plus ésotérique que dramatique ou pittoresque - de la création du monde d’après la mythologie finlandaise du Kalevala. Retrouvant sa langue maternelle, Mattila en fait ressortir l’intensité et le mystère. Un sommet est atteint avec, toujours de Sibelius, l’énigmatique Quatrième Symphonie (1911), la fois classique, romantique et moderne. Servi notamment par un prodigieux timbalier, Saraste maintient la tension, non seulement dans le difficile troisième mouvement « Tempo largo », mais aussi dans finale, aux atmosphères si changeantes.
Marc Vignal
Mercredi 13 avril 2011 à 20h, Théâtre des Champs-Elysées