« La 5ème de Beethoven ? Pfff…bateau, voire ringard ». Du coup, l’œuvre emblématique de la « grande musique » est une des moins données en concert, si ce n’est au sein d’une intégrale des neuf Symphonies. C’est d’ailleurs une intégrale que Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe ont entrepris sur deux saisons, à Paris et Amsterdam. Pleyel complet, hier mardi, les gens debout, acclamant le moins marketing mais le plus respecté des chefs, ont une fois de plus confirmé « l’effet 5ème ». Les mêmes ont été plus sages, avant l’entracte, à la fin de la 8ème Symphonie, elle-même précédée de l’ouverture de Fidelio. Haitink n’est pas tendance, avec sa queue de pie et sa manière old fashion de diriger Beethoven, mais il est fascinant à regarder : les bras « en bas », le geste rare, il rappelle (en plus souriant) Karl Böhm, qui lui aussi déchaînait des tempêtes d’une simple levée de baguette. Mais pourquoi l’orchestre, qui est pourtant composé des plus fines lames des grandes phalanges européennes, sonne-t-il si gris ? Peut-être qu’Haitink, qui fréquente cette musique depuis plus d’un demi-siècle, est au-delà de ce genre de considération. Il se rattrape en mettant le feu à l’orchestre à des moments où l’on ne s’y attend plus, comme le finale de la 8ème. Mais il n’y a pas d’« effet 8ème » comme il y a un « effet 5ème ».
François Lafon
Salle Pleyel, Paris, 18 janvier. Aujourd’hui 19 : Symphonies n° 2 et 3 « Héroïque ».