La Passion selon Saint Jean à Notre-Dame de Paris, dans le cadre de la saison Musique sacrée. Affiche de luxe : Reinhard Goebel au pupitre, Werner Güra en Evangéliste, avec l’Ensemble Orchestral de Paris et la Maîtrise de la Cathédrale. Tout n’est pas parfait : les fans de Goebel ne retrouvent pas les sonorités rugueuses, très « baroqueux première génération » qu’il obtenait de Musica Antiqua Köln, les deux solistes féminines ne sont pas inoubliables, et l’acoustique est traître : les VIP des premiers rangs ont l’impression que les bois se sont ligués pour les empêcher d’entendre leurs partenaires. Et pourtant, l’essentiel est là, dans cette rapidité, cette violence, cette impression qu’il manque des répétitions, que le désordre n’est pas loin, que l’orchestre est désarçonné par le chef, que le chœur-maison, solide et bien préparé, aurait pu être mieux mis en valeur. La Passion selon Saint-Matthieu, plus lyrique, ne s’en serait peut-être pas remise. La Saint Jean, si. On remarque comme jamais que Bach évite les scènes à faire, qu’il insiste davantage sur la rémission des péchés que sur la divinisation du Christ (attitude très protestante), qu’il nous livre sans ménagement ce fait divers qui a changé la face du monde. Pendant les saluts, Goebel, l’œil allumé, tente de discipliner ses troupes, de mettre en rang ses solistes un peu perdus. Au centre, Güra, plus sûr de lui, Evangéliste de haut vol, dans la lignée de Peter Schreier. Comme si toute l’histoire se recréait devant nous.
François Lafon
Notre-Dame de Paris, les 5 et 6 avril à 20h.