Vendredi 19 avril 2024
Aimard, Boulez et la modernité de Ravel
Une remise en question des deux Concertos
 
Le même, pas pareil
Les accents romantiques de Ravel
Ravel par Krystian Zimerman et Pierre Boulez
Les deux Concertos pour piano et orchestre – Miroirs

Mais pourquoi Pierre Boulez remet-il les deux Concertos de Ravel sur le métier, onze ans après son enregistrement avec Krystian Zimmerman ? Dès l’entrée du piano dans le Concerto pour la main gauche, on comprend. Alors qu’avec Zimmerman, deux mondes s’affrontent, avec Pierre Laurent Aimard, piano et orchestre vont dans le même sens. Là où Zimmerman montre comment Ravel s’est nourri des canons du concerto romantique, Aimard, comme Boulez, se passionne pour la modernité des œuvres. Il utilise sa technique transcendante pour analyser nuances et dissonances, harmonie et bizarrerie. Dans le sombre Main gauche, il ne dit pas adieu à un monde brisé, comme le font la plupart de ses confrères, mais bienvenue à des lendemains qui chantent différemment. Cela n’empêche ni le danger, ni la violence : les derniers accords ont rarement été aussi impressionnants. Dans le Concerto en sol, les passages jazzy sont montrés comme des pieds de nez et la cantilène du mouvement lent a l’air de s’arrêter sur un temps révolu. C’est plus dérangeant, et l’on peut préférer le jeu un peu pervers que Boulez joue avec Zimmerman. L’Orchestre de Cleveland, superbement capté, fait, lui aussi, tout entendre de cette musique que Boulez a eu tant de mal, à ses débuts, à admettre dans son panthéon de la modernité. Les Miroirs, qui complètent l’album, trouvent Aimard comme jamais maître de son clavier. Un peu trop, penseront les nostalgiques d’un Ravel plus tendre.
François Lafon

Les deux Concertos pour piano et orchestre – Miroirs
Pierre-Laurent Aimard (piano)
Orchestre de Cleveland
Direction musicale : Pierre Boulez
1 CD Deutsche Grammophon 477 8770
1 h 11 min

mis en ligne le mardi 14 septembre 2010

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