Vendredi 19 avril 2024
Théâtre pour l’oreille
Quand le chef Theodor Currentzis écoute battre le cœur de Mozart
 
Le même, pas pareil
René Jacobs, l'inspirateur
Le Nozze di Figaro

Les Noces de Figaro comme vous ne l’avez jamais entendu ? « A d’autres ! », serait-on tenté de répondre. C’est pourtant un étonnant objet discographique que le chef Theodor Currentzis et son ensemble MusicAeterna nous livrent-là, premier volet d’un triptyque Mozart-Da Ponte. « Du super René Jacobs », annonce le producteur Bogdan Roscic (Sony Classical). Plus baroque, plus théâtral, plus en rupture avec les standards mozartiens ? « Comparés aux interprètes de cet enregistrement, ceux de Jacobs chantent du Puccini. » Cette approche rappelle plutôt – style mis à part – le « théâtre pour l’oreille » inventé dans les années 1950 par les producteurs Walter Legge (EMI) et John Cushlaw (Decca) : un art de studio, impossible sur scène, où chanteurs et instrumentistes, comme des acteurs en gros plan, nous font partager leurs plus infimes battements de cœur. L’enregistrement a eu lieu à Perm, ville perdue de l’Oural, « interdite » à l’époque soviétique (on y fabriquait des armes) et dotée d’un opéra dont Currentzis est le directeur depuis 2011. Travail de bénédictin, sessions de jour et de nuit, perfectionnisme à la Stanley Kubrick : ce chef pas comme les autres (ses enregistrements du Requiem de Mozart et de Didon et Enée de Purcell ont fait du bruit) mixe philologie et provocation, utilise des instruments d’époque mais assure que si la vérité musicale passait par l’utilisation de guitares électriques, il n’hésiterait pas. Le résultat est à la mesure du projet : cris et chuchotements, emballements et plages d’éternité, servis par des chanteurs inconnus (si ce n’est Simone Kermes, Comtesse fragile et torturée) tout dévoués au maître. On peut être fasciné ou rebuté. N’empêche que ces Noces de haute précision (longue postproduction à Paris avec le spécialiste Nicolas Bartholomée) montrent, ainsi que le dit Currentzis lui-même, « ce qui peut être atteint quand on évite l’approche industrielle de la musique classique. »
François Lafon

Le Nozze di Figaro
Andrei Bondarenko (le Comte),Simone Kermes (la Comtesse), Christian van Horn (Figaro), Fanie Antonelou (Susanna), Mary-Ellen Nesi (Cherubino), Maria Forsström (Marcellina), Nikolai Loskutkin (Baertolo), Natalia Kirillova (Barbarina)
MusicaAeterna
Direction musicale : Theodor Currentzis
3 CD Sony Classical 88883709262
2 h 59 min

mis en ligne le mercredi 19 février 2014

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