Jeudi 28 mars 2024
Onéguine en abyme
Une sublime production du chef d'œuvre de Tchaïkovski - DVD
Eugene Oneguin

Si l’on s’en tient au premier degré, Eugène Onéguine est l’histoire d’un aristo cynique qui repousse la jeune fille idéaliste qui l’aime, tue sans trop le vouloir son propre ami d’enfance, s’exile pendant deux ans puis retrouve ladite jeune fille, qui, à son tour, le repousse en lui déclarant qu’elle sera fidèle à celui qu’elle a épousé. Alors que chez Tchaïkovski (et chez Pouchkine dont le livret est inspiré), cette trame est déjà prétexte à évoquer la Russie des villes et la Russie des champs, les conventions sociales, l’arrivisme et la nostalgie d’un monde qui s’enfuit, le Norvégien Stefan Herheim accentue cette exploration de l’âme russe et de celle des personnages grâce a une extraordinaire mise en scène. Le spectacle commence avec des scènes muettes du dernier acte au moment où l’orchestre se met en place, car l’opéra est ici la vision rétrospective d’Eugène Onéguine lui-même sur les gâchis de son existence, les vanités humaines et les aléas de l’Histoire. Sans cesse défilent des indices, des signes et des références, les personnages se dédoublent, les époques se téléscopent, on aperçoit aussi bien l’ours de la Russie éternelle que des cosmonautes, des babouchkas, des popes, des oligarques parvenus, des servantes à la Tchekhov, des stakhanovistes en tenue de sport, des paysans sortis d’un chromo stalinien, des cygnes (tchaïkovskiens, bien sûr), des militaires qu’on imagine issus du KGB… Le plus prodigieux, c’est que ces mises en perspectives ne trahissent jamais l’œuvre, lui donnent au contraire une profondeur nouvelle tout en multipliant les points de vue. Décors et costumes sont magnifiques et, musicalement, cette production est irréprochable : direction impeccable, orchestre dense et précis (les vents sont particulièrement remarquables), distribution parfaitement homogène (mention spéciale pour le ténor Andrej Dunaev)… Un bonheur absolu.
Gérard Pangon

PS : le bonus, un making of classique, permet de mieux connaître le travail et la personnalité de Stefan Herheim

Eugene Oneguin
Bo Skovhus (Eugene Onegin), Andrej Dunaev (Lensky), Michael Petrenko (Gremin), Krassimira Stoyanova (Tatiana), Elena Maximova (Olga), Olga Savova (Larina), Nina Romanova (Flipyevna), Guy de Mey (Triquet)
Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, Chœur de l’Opéra des Pays-Bas
Direction musicale : Mariss Jansons
Mise en scène : Stefan Herheim
Réalisation : Misjel Vermeiren
1 DVD Opus Arte OA 1067
2 h + 30 min (bonus)

mis en ligne le lundi 4 juin 2012

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