Mardi 16 avril 2024
Mise à nu
Hervé Niquet décape radicalement le chef d'œuvre de Brahms
 
Le même, pas pareil
Tension intérieure
Nikolaus Harnoncourt
Ein deutsches Requiem

A force d’encaustiquer un vieux meuble de valeur, on finit par créer des accumulations de cire qui, si l’on n’y prend pas garde, atténuent les contours, graissent les doucines et transforment la teinte d’origine. C’est alors que pris d’une inspiration soudaine, on décide de passer au décapage, de remettre le bois à nu pour tenter de lui donner une nouvelle jeunesse. Telle est à peu près la démarche d’Hervé Niquet pour ce Requiem allemand dont il fait disparaître la patine, ne serait-ce que par le tempo qu’il adopte : il boucle l’affaire en 51 minutes alors que la plupart des interprétations en durent une quinzaine de plus (Herreweghe, Gardiner, Harnoncourt, Walter…). Le minutage n’est pas un critère, certes, mais il indique le parti-pris d’Hervé Niquet : donner de l’allant, ne s'occuper que des notes avant d’aller chercher du côté de l‘esprit. Du coup, la tension n'est plus intérieure, mais extérieure. Dépourvue de solennité, cette version s’éloigne d’une vision romantique, ne cultive pas la poésie et gomme quelque peu les différences de climat, mais porte l’accent sur quelques détails et quelques articulations dont on n’avait jusque là pas forcément conscience. Et si les chœurs et l’orchestre suivent plutôt bien le mouvement, de même que le remarquable Tassis Christoyannis, on peut regretter la voix trop fluette de Lore Binon. Il n'empêche : un tel décapage mérite bien sa place dans le catalogue des « pas comme les autres » cher à Hervé Niquet.
Gérard Pangon

Ein deutsches Requiem
Lore Binon (soprano), Tassis Christoyannis (baryton)
Flemish Radio Choir, Brussels Philharmonic
Direction musicale : Hervé Niquet
1 CD EPR Classic EPRC 0019
51 min

mis en ligne le samedi 10 octobre 2015

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