Samedi 20 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
mardi 19 janvier 2021 à 23h23
Parmi les nombreux concerts et spectacles en direct et en streaming sur vos écrans : Pelléas et Mélisande au Grand Théâtre de Genève, Titon et l’Aurore à Paris-Opéra Comique, deux soirées à huis clos pour public sous couvre-feu. Et pas des plus faciles : le premier nous plonge dans la pénombre des âmes, le second dans l’allégorie XVIIIème. Du « non opéra » de Debussy, les chorégraphes belges Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet font un rêve à peine éveillé, beau comme du Bob Wilson, la froideur en moins et la danse (envahissante) en plus. Avec la « pastorale héroïque » de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, pièce maîtresse de la Querelle des Bouffons (côté français), le marionnettiste américain Basil Twist trouve prétexte à réveiller nos rêves d’enfant, et y parvient avec humour et inventivité. Beau travail des réalisateurs, confrontés à une obscurité permanente (Andy Somer à Genève) ou à une fragile féérie (François Roussillon à Paris), prouesses des chanteurs et des chefs - les excellents Jonathan Nott et William Christie - faisant oublier (double peine) qu’ils jouent devant des fauteuils vides sans pour autant bénéficier du confort du studio. Encore deux spectacles sauvés, dira-t-on, deux signes de vie des institutions culturelles derrière leur portes closes, moral des troupes et considérations financières mises à part. Des bouteilles à la mer, en quelque sorte. 
François Lafon 

Pelléas et Mélisande
, Grand Théâtre de Genève, 18 janvier. En streaming jusqu’au 31 janvier sur GTG Digital. Diffusion ultérieure sur RTS télévision - Titon et l’Aurore, Opéra Comique, Paris, 19 janvier. En streaming trois mois sur Medici TV. Diffusion ultérieure sur Mezzo
(Photo : Pelléas © DR)

vendredi 27 novembre 2020 à 14h55
Dans le cadre du Festival Manca, l’Opéra de Nice devait ouvrir sa saison avec Akhnaten, troisième ouvrage lyrique de Philip Glass – qui, avec Einstein on the beach et Satyagraha, clôt au début des années 1980 une première trilogie d’« opéras-portraits ». Créé à Stuttgart, en 1984, l’ouvrage connut sa première française presque vingt ans plus tard, à l’Opéra du Rhin (Strasbourg), en 2002. Cette nouvelle production, confiée à Lucinda Childs, fidèle du compositeur, chorégraphe et metteur en scène (Dance, Einstein, etc.) et au jeune chef Léo Warynski, fut maintenue à l’affiche alors que les représentations étaient annulées. La décision de poursuivre les répétitions permit la captation du spectacle, désormais mis en ligne sur la toile.
Sans décor, ou presque, le spectacle se joue sur un unique et gigantesque disque incliné où évoluent chanteurs et danseurs. On apprécie la metteur en scène qui apparaît en buste au-dessus de la scène, tel un fantôme ou un hologramme, et « raconte » (en anglais, sous-titré) le destin du pharaon Akhenaton dont les Égyptiens ont voulu effacer toute trace. Sa chorégraphie superpose habilement les danseurs sur scène avec leurs images projetées agrandies – à la manière du film réalisé par Sol LeWitt qui accompagnait la chorégraphie initiale de Dance. Chanté à partir d’un livret écrit en égyptien ancien, le style de l’ouvrage s’inspire de l’oratorio haendélien et, à cet égard, les nombreuses parties chorales sont restituées avec soin par le chœur de l’Opéra, bien préparé par le chef d’orchestre qui, aguerri au répertoire contemporain, a su donner l’impulsion à l’ensemble.   
Dans le rôle-titre, le contre-ténor Fabrice Di Falco (Les Quatre jumelles de Régis Campo, La Métamorphose de Michael Levinas…) succède avec brio à Paul Eswood, le créateur, dans un style moins éthéré et une émission plus claire. À ses côtés, l’étonnante Patricia Ciofi (la reine Tye), qui se plie sans peine aux notes étirées et répétées du compositeur, tout comme le reste de la distribution, Julie Robard-Gendre (Nefertiti), Joan Martin-Royo (Horemhab), Frédéric Diquero (Amon) et Vincent Le Texier (Aye). À voir et revoir sur la toile.     
                                                              Franck Mallet

• https://youtu.be/jSAOrULT-F4


Photo : Akhnaten @ Dominique Jaussein
mercredi 2 octobre 2019 à 13h01
Avec Jessye Norman, comme ce fut le cas avec Luciano Pavarotti, Joan Sutherland ou Georg Solti, c’est une figure de l’époque révolue du disque roi qui disparaît. La liste de ses enregistrements, live ou de studio, est impressionnante. Qu’en reste-t-il ? En voici dix, qui donnent une idée de son art et de son éclectisme. A faire (re)découvrir à ceux qui ne se souviennent d’elle qu’en statue ambulante de la République, chantant la Marseillaise sur les Champs-Elysées pour le 200ème anniversaire de la Révolution. 
 
- Bela Bartok : Le Château de Barbe-Bleue. Avec Laszlo Polgar, Chicago Symphony Orchestra, Pierre Boulez (direction) – Deutsche Grammophon 1993 

- Gabriel Fauré : Pénélope. Avec Alain Vanzo et José Van Dam – Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Charles Dutoit (direction) – Erato 1980

- Christoph Willibald Gluck : Alceste. Avec Nicolai Gedda – Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, Serge Baudo (direction ) – Orfeo 1982

- Joseph Haydn : Armida. Avec Samuel Ramey - Orchestre de Chambre de Lausanne, Antal Dorati (direction) – Philips 1978

- Gustav Mahler : Des Knaben Wunderhorn – Avec John Shirley Quirk – Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, Bernard Haitink (direction ) – Philips 1977

- Jacques Offenbach : La Belle Hélène. Avec Gabriel Bacquier - Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (direction) – EMI 1985

- Arnold Schoenberg : Gurrelieder. Avec Tatiana Troyanos et James McCracken - Boston Symphony Orchestra, Seiji Ozawa (direction) – Philips 1979

- Richard Strauss : Quatre Derniers Lieder et autres lieder – Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, Kurt Masur (direction) – Philips 1982

- Richard Wagner : Wesendonck Lieder et Mort d’Isolde. London Symphony Orchestra, Colin Davis (direction) – Philips 1975

- Carl Maria von Weber : Euryanthe. Avec Nicolai Gedda – Staatskapelle Dersden, Marek Janowski (direction) – Berlin Classics 1974

mercredi 9 mai 2018 à 17h43
Parution, en édition limitée, de deux imposants coffrets chez Harmonia Mundi qui souffle cette année ses 60 bougies : 34 CD pour résumer le parcours d’un label qui a réussi à combiner l’exigence artistique de son fondateur Bernard Coutaz, avec un succès commercial qui lui permet de rester l’une des marques les plus actives dans le domaine du disque classique. Même en ces temps de dématérialisation de la musique enregistrée, cette summa, réalisée avec le soin que le label accorde habituellement à son fond de catalogue, ne peut qu’attirer les mélomanes qui retrouveront (pour les vétérans) ou découvriront (pour les plus jeunes) les incontournables de la maison : le programme de cette « Generation Harmonia Mundi » donne le tournis, avec beaucoup d’enregistrements « de référence », des songs de Dowland par Alfred Deller à l’Atys de Lully par William Christie. Le premier volet, « Le temps des révolutions » revient sur l’époque héroïque du renouveau baroque (l’interprétation « historiquement informée », si l’on préfère) dont l’histoire se confond presque avec celle du label. Dans le second volet, « L’esprit de famille » on retrouve l’iconique Alfred Deller et ses héritiers (Andreas Scholl, Bejun Mehta), René Jacobs, Philippe Herreweghe et Isabelle Faust, pour ne citer que quelques artistes dont le parcours serait inimaginable sans le soutien du disque. Un travail éditorial exemplaire, mis en perspective par des interviews d’Eva Coutaz, l’ancienne PDG, et de l’actuel directeur Christian Girardin. 
Pablo Galonce

Generation Harmonia Mundi, The Age of Revolutions (HMX 2908904.19, 16 CD) et The Family Spirit (HMX 2908920.37, 18 CD), sortie le 11 mai.
Centenaire Debussy chez Warner Classics : « The complete works », coffret de 33 CD. A première vue, une compilation classique : piano seul (6 CD), piano à quatre mains (2 CD), musique de chambre (2 CD), orchestre (5 CD), mélodies (5 CD), etc. Versions récentes ou anciennes (jusqu’à Debussy par lui-même sur rouleaux ou en acoustique) principalement issues des copieux catalogues Erato et EMI, dont certaines inattendues (La Mer par Carlo Maria Giulini et le Philharmonia Orchestra, les Préludes pour piano par le trop oublié Yuri Egorov), auxquelles s’ajoutent des pièces inédites au disque et enregistrées pour l’occasion, telle La Chanson des brises, dont le manuscrit complet a été récemment retrouvé. Principal écueil, le labyrinthe des œuvres, dans la complexité duquel le « Père de la modernité » bat tous ses confrères passés et à venir : passages du piano à l’orchestre (et vice-versa) par lui-même ou par ses amis (Caplet, Ravel, etc.), pièces inachevées terminées à titre posthume (l’Opéra Rodrigue et Chimène par Edison Denisov) ou présentées dans leurs divers états d’inachèvement (La Chute de la maison Usher tel qu’abandonné en 1916), transcriptions de Wagner, Schumann ou Saint-Saëns… Seule lacune : la version orchestrale (inaccessible) d’un Intermezzo de 1882, présent tout de même dans sa réduction pour piano à quatre mains. Chef-d’œuvre éditorial donc, mais casse-tête pour l’heureux acquéreur du coffret, si ce n’est - Sésame, ouvre-toi final - que le texte de pochette de Denis Herlin, chercheur au CNRS, rédacteur en chef des œuvres complètes de Debussy (Editions Durand) et maître d’œuvre de l’entreprise, replace les pièces du puzzle (avec renvois aux plages concernées) dans le parcours du compositeur en trente pages passionnantes autant qu’éclairantes. 
François Lafon

Claude Debussy, the complete works. A coffret de 33 CD Warner Classics

Au Collège des Bernardins (Paris 5ème), soirée profane – à la fois show-case et concert public – de deux nouvelles recrues Deutsche Grammophon : le pianiste Simon Ghraichy et le collectif  D.I.V.A. Le jeune virtuose classique mais pas seulement et les prime donne classiques sans l’être tout en l’étant : une sorte d’alpha et oméga de l’étiquette jaune, tournant plus que jamais le dos à son intimidant passé. Look décoiffant et fort tempérament (voir ici), Liszt et Granados, Guarneri et Marquez au programme (un avant-goût de son futur CD, enregistrement en novembre) : le pianiste franco-mexicano-libanais allie ressources musicales et petit quelque chose qui fait les stars. D.I.V.A se démarque aussi, mais dans une autre catégorie : trois sopranos, deux mezzos et un quatuor à cordes (excellent), Manon Savary (fille de Jérôme) à la mise en scène, Marcel Dussarat aux costumes, et un parti-pris drastique : expédier en moins de dix minutes les grands titres du répertoire lyrique. Ce soir, version de concert mais en costumes – entre Bal des vampires et Mozart l’opéra rock – de La Traviata (avec mezzo aux bas troués en père noble), La Flûte enchantée (ouverture vocale à la Swingle Singers, joute Pamina-Reine de la Nuit) et Carmen (éventail pour tout le monde). Opéra sans douleur pour public pressé, au point musicalement, dramatiquement à définir. Succès possible - dans la lignée de Kimera (The Lost Opera) - si promotion adéquate.

François Lafon

Photo : D.I.V.A. © DR

mardi 19 juillet 2016 à 16h38

Au tout début du XXème siècle, on peut écouter l’Ouverture d’Egmont sur un phonographe avec un seul cylindre pour quatre minutes de musique. Quelques années plus tard, il faut huit ou neuf galettes pour écouter une symphonie de Beethoven en 78 tours sur un gramophone à pavillon. Pendant ce temps-là, les patrons de guinguette inventent des appareils à deux pavillons qui permettent de faire danser toute l’année dans une salle à l’abri des intempéries sans avoir besoin de payer un orchestre. Et les stars du caf’conc’, d’Yvette Guilbert à Maurice Chevalier, en passant par Mistinguett et Jean Gabin ne sont pas les derniers à en profiter. En plus d’un siècle, les inventeurs de tout poil ont ainsi rivalisé d‘ingéniosité pour enregistrer et reproduire la musique de la façon la plus pure et la plus populaire qui soit. Cette histoire du son enregistré, on peut la suivre au Phonomuseum, à Paris, où sont exposés 250 de ces appareils, tous en état de marche et tous plus beaux les uns que les autres, avec des détails et des explications que Jalal Aro, le maître du lieu distille avec passion. A une époque où l’on délaisse parfois le son lisse du mp3 pour le vinyle au son coloré par ses propres aspérités, une balade au Phonomuseum a quelque chose de vivifiant.

Gérard Pangon

Phonomuseum, 53 boulevard Rochechouart 75009 Paris phonomuseum.fr
Et sur Internet, la Phonobase où sont répertoriés des milliers d’enregistrements de 1888 à 1920, avec la possibilité d’en écouter des extraits numérisés.

dimanche 5 juin 2016 à 18h48

Francis Poulenc – Jean Cocteau, La Voix humaine : Caroline Casadesus (soprano), Jean-Christophe Rigaud (piano), première mondiale (CD Ad Vitam Records - 2016). Francis Poulenc – Jean Cocteau, La Voix humaine : Felicity Lott (soprano), Graham Johnson (piano), World premiere recording with piano (DVD Champs Hills Records - 2013). Francis Poulenc – Jean Cocteau, La Voix humaine : Anne Béranger (soprano), Setrak (piano), premier enregistrement (33 tours Chant du Monde – 1982). Chercher l’(les) erreur(s). On (?) rétorquera que la version 1982, enregistrée dans la foulée d’une série de représentations au Théâtre de Chaillot (mise en scène Antoine Vitez) passait outre le veto des ayant-droit de Poulenc quant à l’exécution publique de la version avec piano, alors que l’enregistrement Lott-Johnson a été officiellement autorisé par la nièce du compositeur. On (?) imagine que la nouvelle version Casadesus-Rigaud, donnée parallèlement au Théâtre de Poche Montparnasse dans une mise en scène de Juliette Mailhé, est elle aussi « autorisée ». Au moins cette Voix humaine de poche, que Poulenc a souvent pratiquée avec « sa » chanteuse Denise Duval et qui fonctionne aussi bien que l’habituelle version avec orchestre, est-elle - licite ou non - vaillamment défendue de génération en génération. On regrette même que la formidable interprétation de Stéphanie d’Oustrac et Pascal Jourdan (mise en scène Vincent Vittoz – voir ici) n’ait pas été enregistrée. Pas seulement parce que la mezzo est l’arrière petite nièce de Francis Poulenc, et qu’elle n’a pas tenté le scoop « première mondiale ».

François Lafon

Cocteau-Poulenc : La Voix humaine. Caroline Casadesus, Jean-Christophe Rigaud. 1 CD Ad Vitam Records. Au Théâtre de Poche Montparnasse (Paris), jusqu’au 11 juillet.

samedi 30 avril 2016 à 18h30

Chez Warner Classics : « Simon Rattle & his soloists, the CBSO years », réédition à l’usage des discophiles (pochettes d’époque) d’une quinzaine enregistrements pour EMI (1982-1999) du jeune Rattle dirigeant l’Orchestre Symphonique de Birmingham. Du recyclage travaillé, avec explications des rapports particuliers que le chef entretenait avec chacun des solistes en question. Autre cohérence, en creux celle-là et bien sûr passée sous silence par l’éditeur : aucun ou presque des ces albums n’a laissé de trace dans les discographies. On se souvient de Kyung-Wha Chung dans le 2ème Concerto pour violon de Bartok, mais plus tôt dans sa carrière, avec Georg Solti, ou de Nigel Kennedy lorsque, déguisé en punk, il « popifiait » Les Quatre Saisons de Vivaldi. Et si Lars Vogt, Thomas Zehetmaier, Truls Mork, les sœurs Labèque ou Leif Ove Andsnes ont depuis poursuivi de belles carrières, on a oublié Cécile Ousset, pianiste tarbaise plus connue de l’autre côté du Channel que dans son pays natal, ou Peter Donohoe, stakhanoviste du clavier ne faisant qu’une bouchée du redoutable 2ème de Bartok. Deux raisons donc de se rafraîchir la mémoire : retrouver Rattle au temps où son style, son répertoire, sa façon très personnelle de mettre l’accent sur des œuvres pas assez ou trop connues lui promettaient des lendemains qui chantent (ils chantent encore), et (re)découvrir des pépites discographiques, telles l’échevelé 2ème Concerto de Saint-Saëns par Ousset (son cheval de bataille), les Concertos pour violon de Szymanowski avec Zehetmaier, Mork dans la Cello Symphony de Britten, ou le composite triplé Rodrigo-Takemitsu-Arnold tenté et réussi par le grand guitariste Julian Bream.

François Lafon

Un coffret de 15 CD Warner Classics 08256480401

mercredi 20 avril 2016 à 17h15

80 CD, 11 DVD, un livre, une compilation, un double CD enfants : pour le centenaire Yehudi Menuhin (1916-1999), Warner tente de renouveler le miracle Callas, dont l’intégrale remasterisée a durablement aidé le label à affronter la crise du disque. Remastering soigné aussi pour cette somme, courant du début de l’enregistrement électrique (1929 – Menuhin avait treize ans) au tout-digital (1999, date de sa mort), passant du studio au live, du blockbuster à l’inédit, et en vidéo du Concert Magic tourné en 1947 dans l’ancien studio de Charlie Chaplin à Hollywood aux ultimes conversations-fleuves à Mykonos avec Bruno Monsaingeon - l’élève et le disciple, violoniste et cinéaste, dont Menuhin aura été le grand homme avant même Sviatoslav Richter et Glenn Gould, et artisan de cette réédition. Une somme moins grand public que l’intégrale Callas, tout de même, question de répertoire et d’instrument, le violon de Menuhin étant souvent plus expressif mais pas toujours plus melliflue que celui de ses confrères, les problèmes techniques et les écarts de justesse s’aggravant en outre à mesure que les moyens d’enregistrement devenaient plus précis et plus impitoyables. Reste qu’écouter Menuhin au long cours est un voyage dans le siècle, que les six coffrets (disponibles séparément) sont agencés pour contenter le passionné (les raretés et inédits) comme le néophyte (gravures historiques), l’un et l’autre se retrouvant autour des enregistrements de l’artiste avec sa sœur Hephzibah - excellente pianiste restée dans l’ombre de son illustre frère – et bien-sûr des films où la seule présence de Menuhin explique en partie le phénomène. Car l’essentiel est de l’ordre de l’indicible, de l’exclamation d’Albert Einstein en 1929 (« Je sais maintenant qu’il y a un Dieu au ciel ») à la péroraison de Monsaingeon : « La lumière est à la fois onde et particule. La particule a peut-être partiellement fait défaut à Yehudi dans l’ultime phase de sa carrière. L’onde est demeurée ». On ne saurait mieux résumer l’art du violoniste (et chef, meilleur qu’on l’a dit) ni mesurer la vanité de toute critique concernant les traces d’angélisme dont l’artiste savait non sans finesse émailler ses propos et légitimer ses choix artistiques et humains.
 

François Lafon
 

The Menuhin Century : une boite de 6 coffrets disponibles séparément + un livre « Passion Menuhin » de Bruno Monsaingeon – Yehudi Menuhin, le violon du siècle, 2 CD – Yehudi Menuhin pour les enfants, 2 CD

jeudi 31 décembre 2015 à 18h09

Coffret de fêtes chez RCA : Anna Moffo, the complete recitals albums. 12 CD pochettes originales, de l’opéra (récitals et extraits d’intégrales), de l’opérette (Strauss, Lehar), du musical (Kern, Coward and co), de la mélodie française (Debussy, Canteloube) : du premier choix, par une voix phonogénique et rarement hors style. Alors que reproche-ton à Anna Moffo ? D’être une diva made in America (parents émigrés d'Italie à Wayne, en Pennsylvanie), d’avoir usé (et abusé ?) d’un physique de cinéma, d’avoir paru à la fin de sa carrière dans un hypothétique film X (où elle restait habillée), d’avoir été animatrice télé ("The Anna Moffo Show") ? Pour les puristes, d’avoir faussé compagnie à Walter Legge, lequel l’avait intégré à la glorieuse écurie EMI (Callas, Schwarzkopf) des années 50 (Falstaff, La Bohème avec Karajan) pour poursuivre sa carrière discographique chez RCA (dont elle épousera le producteur, telle Elisabeth Schwarzkopf devenant Madame Legge), d’avoir forcé sa voix en faisant de Madame Butterfly son rôle fétiche et en tentant une Carmen tardive et malencontreuse ? Toujours est-il que son seul nom fait sourire, que les malveillants évoquent, outre Carmen, une Thaïs (Massenet) de trop en 1974, lui reprochent de ne pas être Callas (dans Lucia di Lammermoor, dans La Traviata, autres rôles fétiches, à la scène comme à l’écran), ni Beverly Sills (sa compatriote, elle aussi moquée, mais moins). Telle que la présente ce coffret, souvent imparfaite, parfois désuète, occasionnellement sur- et sous- distribuée, mais toujours convaincue et plutôt convaincante, elle mérite mieux. Elle a même des fans prêts à se damner pour retrouver les deux récitals EMI (Mozart, "Coloratura Arias") enregistrés à l’époque où elle était une étoile montante de la galaxie lyrique.

François Lafon

Anna Moffo, the complete RCA récital albums. 12 CD RCA 88875032232

samedi 19 décembre 2015 à 18h35

On oublie souvent que la marche finale de la onzième sonate pour piano de Mozart est appelée turque parce son rythme évoque les janissaires. Ziad Antar, lui, s’en souvient, bloque les cordes d’un piano pour ne plus laisser entendre que le bruit des touches, et le résultat est… frappant. Cette vidéo de trois minutes fait partie de l’exposition Pop et musique de la Fondation Louis Vuitton, qui s’achève le 4 janvier et propose quelques autres perles musicales. On y trouve en particulier K364 de Douglas Gordon, déjà présenté à Paris en 2012 à La Gaîté Lyrique, dont la puissance émotive est toujours aussi vivace : deux musiciens israéliens traversent la Pologne, jouent la Symphonie concertante de Mozart, font simultanément un travail de mémoire qui les ramènent vers les souffrances de leurs familles, et la musique, dans laquelle on est plongé, nous mène vers une autre dimension. Ajoutez Rejuvenator of the Astral Balance, de Marina Abramovic, installation de transats face à des métronomes, une des mille façons inventées par l’artiste serbe pour explorer les liens entre le physique et le mental, ou Extended Lullaby de John Cage, un ensemble de boîtes à musique qui s’empare d’une partition d’Erik Satie, et voilà suffisamment de raisons de ne pas laisser cette expo s’achever sans avoir goûté ces musiques pas comme les autres.

Gérard Pangon

Fondation Louis Vuitton 8 avenue du Mahatma Gandhi 75116 Paris

mercredi 14 octobre 2015 à 09h47

Premier album cher Warner Classics de Camille Berthollet, jolie rousse de seize ans, violoniste mais aussi violoncelliste et un peu pianiste, lauréate en décembre 2014 de l'émission-concours Prodiges sur France 2 (voir ici), un « carton » télévisuel inespéré dont une deuxième session est déjà annoncée. Au programme, Brahms et Vivaldi, Bach et Fauré, Scott Joplin et Carlos Gardel, John Williams et Astor Piazzolla, des pièces courtes et spectaculaires, un cadeau de Noël tout trouvé. Pur produit marketing ? Une occasion à ne pas manquer en tout cas pour un producteur de disques en période de crise : jeunesse et beauté, dons naturels et travail de haute école, situation familiale favorable en plus, puisque Camille Berthollet fait équipe avec sa sœur Julie, elle-même violoniste et altiste, leurs talents respectifs permettant de nombreuses combinaisons déjà exploités dans le CD. A la question : « Voie classique ou cross-over ? », les sœurs Berthollet répondent en chœur : « Classique bien-sûr. Nous n’en sommes pas à notre premier concours, et nous préparons entre autres le Triple Concerto de Beethoven, avec François-René Duchâble au piano ». Avec Gautier Capuçon (juré de Prodige) en guest star, l’Orchestre d’Auvergne et l’excellent pianiste Guillaume Vincent comme accompagnateurs, le disque joue en effet la qualité : Vade retro, André Rieux ! Ne serait-ce que pour conjurer l’anathème « Vu à la télé ».

François Lafon

1 CD Warner Classics, parution le 16 octobre - Les Prodiges font leur show, samedi 17 octobre à 20h55 sur France 2

vendredi 19 juin 2015 à 23h30

Nouveauté sur la plateforme musicale Google Play - accessible dans 58 pays et spécialement destinée aux smart-phones, tablettes et box TV dotés du système Android : Classical Live. Pour 4,99 dollars pièce ou en écoute illimitée pour les abonnés (9,99 dollars par mois, bientôt en euros), des enregistrements publics de l’Orchestre de Cleveland, des Symphoniques de Boston et de Londres, du Philharmonique de New York et du Concertgebouw d’Amsterdam y sont proposés. Pas de différence notable - si ce n’est la notoriété des phalanges partenaires -, avec les propositions de Spotify, Deezer ou Qobuz, et rien qui puisse concurrencer a priori la plateforme de streaming Apple Music, annoncée pour le 30 juin. Même si, de par son format (long) et son public (plutôt âgé), le classique se démarque des autres genres musicaux (ni le streaming ni le téléchargement n’y ont encore détrôné le CD), il intéresse les géants, lesquels ont constaté que nombre de mélomanes de tous âges n’hésitaient pas à panacher les genres. Handicaps prévisibles, la qualité sonore (pour cela, Qobuz est jusqu’ici imbattable) et le référencement : à « un titre, un interprète » dans le domaine des variétés correspond pour le classique une multitude de versions de la même œuvre, chefs, solistes et orchestres se retrouvant (plus ou moins) de l’une à l’autre. Un nouveau domaine, en tout cas, où l’ogre Google compte bien dévorer ses rivaux et accéder au premier rang de la chaîne alimentaire.

François Lafon – Olivier Debien

mercredi 13 mai 2015 à 10h53

A l’occasion du 80ème anniversaire de Seiji Ozawa : the complete Warner recordings, 25 CD. Un label pas encore homologué dans la discographie pléthorique ( DG, Philips, Sony, RCA, Telarc…) de ce champion de l’âge d’or du disque : en fait ses enregistrements EMI et Erato (1969 - 1998), récemment rachetés par Warner Classics. Passé le jeu de piste à l’usage des discophiles, l’objet séduit (pochettes « à l’identique ») et intrigue : beaucoup d’albums oubliés, presque un cabinet de curiosités, un tour du monde des orchestres de luxe : premières armes avec l’Orchestre de Chicago, escales françaises (Orchestre Paris, Orchestre National), anglaises (London Symphony, London Philharmonic, Philharmonia) et allemandes (Philharmonique de Berlin), retour au pays (Japan Philharmonic), pas plus de six titres avec le Boston Symphony, dont il a été le directeur vingt-neuf ans durant. Se rappelle-t-on que Rostropovitch a réenregistré avec lui ses Prokofiev et Chostakovitch, qu’avant Viktoria Mullova il avait parrainé la flamboyante Japonaise Masuko Ushioda dans le Concerto pour violon de Sibelius, qu’il avait accompagné … Alexis Weissenberg dans la Rhapsodie in Blue de Gershwin avec … le Philharmonique de Berlin ? Quelques nanars, beaucoup de merveilles (le style Ozawa : grand souffle et introspection mêlés) et des pépites, comme l’album Stravinsky avec Michel Béroff et l’Orchestre Paris (1971), la Sérénade de Bernstein avec Itzhak Perlman et le Boston Symphony (1994), The Shadows of Time de Dutilleux (1998) et, pour japanophiles avertis, l’hallucinogène doublé Maki Ishii (So-Gu II, pour gagaku et orchestre) – Toru Takemitsu (Cassiopeia, pour percussions et orchestre) avec le Japan Philharmonic (1971).

François Lafon
 

Seiji Ozawa, the complete Warner recordings. Un coffret de 25 CD Warner Classics 08256461 395 14

A l’occasion du 80ème anniversaire de l’Orchestre National de France, coffret de huit CD d’archives Ina/Radio France. Un bel objet, accompagné d’un historique assez complet et d’une note utile sur l’histoire de la prise de son. Ironie du calendrier : il parait au moment où Radio France est en grève, où ses deux orchestres sont menacés, et où Matthieu Gallet, président de l’institution et ex-directeur de l’Ina, est lui-même fortement contesté. Autre ironie du calendrier : la plupart des documents ont été enregistrés au Théâtre des Champs-Elysées, que l’Orchestre a quitté depuis l’ouverture (novembre 2014) du nouvel Auditorium de Radio France, mais auquel l’actuelle direction a récemment pensé le céder, dans le but d’alléger le déficit-maison. Sous-titre de l’album : "80 ans de concerts inédits", c'est-à-dire que les classiques bien connus de l’orchestre n’y sont pas. La sélection a dû néanmoins être ardue parmi des centaines de concerts depuis 1944 (les plus anciens avaient été radiodiffusés mais pas enregistrés), entre intérêt artistique, attractivité des affiches et contraintes protocolaires. L’histoire s’en mêle aussi : l’Hymne à la justice d’Albéric Magnard prend tout son sens en ouverture du premier concert donné dans Paris libéré. Instructif par ailleurs de comparer l’Orchestre à lui-même dans les Nocturnes de Debussy par D.E. Inghelbrecht (1958) et La Mer par Seiji Ozawa (1984), ou d’entendre Roger Désormière passer des primesautières Chansons villageoises de Poulenc (avec le baryton Pierre Bernac – 1944) à la 1ère Symphonie d’Henri Dutilleux (création mondiale – 1951). Plus de Daniele Gatti (actuel directeur musical) que de Kurt Masur (chef principal de 2002 à 2008), à peine plus de Sergiu Celibidache (premier chef invité de 1974 à 1975) que de Charles Dutoit (chef principal de 1991 à 2001), pas plus de Lorin Maazel (directeur musical de 1977 à 1991) que de Leonard Bernstein (hôte favori de l’Orchestre). Rien-là, bien-sûr, que de fortuit.

François Lafon

Orchestre National de France, 80 ans de concerts inédits. 1 coffret de 8 CD INA/Radio France

jeudi 25 décembre 2014 à 15h01

Retour sur une époque où l’enregistrement en studio était la norme avec la série Phase 4 Stereo. Conçue pour exploiter au mieux les possibilités de la stéréo toute nouvelle (on est au début des années 1960) sous l’impulsion du producteur Américain Tony d’Amato, elle est un rejeton pas entièrement assumé de la maison de disques Decca. Dans son catalogue l’« easy listening » se mélange avec le classique. Spectaculaires, pleines de détails, avec une ampleur dynamique à mettre l’épreuve vos enceintes, les prises de son étaient fondées sur une console spécialement pensée
pour intégrer vingt canaux différents. Elles offraient surtout l’argument de vente au même titre que les artistes affichés ou les œuvres au programme. Réunis dans un cube aux couleurs psychédéliques très sixties, les 41 CD de la série « classique » forment aujourd’hui un drôle d’objet. Pour la nostalgie, les pochettes en carton reproduisent les enveloppes originales très colorées, même si cette réédition ne respecte toujours les « track list » d’origine. Le contenu lui-même est des plus éclectiques : Gershwin et Katchatourian par l’efficace Stanley Black, un Pierre et le Loup de Prokofiev dirigé par Antal Dorati et raconté par Sean Connery avec un bel accent écossais, un récital d’Eileen Farrell avec des tubes de la comédie musicale, des extraits de Carmen chantés par Marilyn Horne. Les maîtres de la musique de film ont aussi leur place. Miklós Rózsa fait résonner avec éclat les trompettes de Ben Hur, tandis que Bernard Herrmann enregistre des suites tirées de ses BO : nulle part ailleurs on ne peut mieux apprécier ses qualités d’orchestrateur que dans ces enregistrements de Psycho ou Voyage au centre de la Terre. Mais le vrai magicien du son est Leopold Stokowski qui, dans les derniers années de sa vie, dirige une fabuleuse Scheherazade de Rimski-Korsakov, son cheval de bataille, une Symphonie fantastique de science-fiction et, avec un Philharmonique Tchèque qui lui donne ses meilleures couleurs, Bach dans les fameuses transcriptions du maestro himself. En somme, le cadeau idéal pour un ami audiophile plus que pour le collectionneur à la recherche de références, mais quel mal y a-t-il à se faire plaisir avec sa chaîne hi-fi ?

Pablo Galonce

40 CD + 1 CD Bonus Decca 478 6769

Aux Editions Hortus – WW 1 Music : "Les Musiciens et la Grande Guerre", 30 CD à paraître entre 2014 et 2018. Couvertures grises, photos d’époque, titres évocateurs : "Prescience-conscience" (vol.4), "Métamorphoses" (vol.6), "Les Altistes engagés" (vol.7). Pas d’archives, mais des enregistrements déjà parus ou réalisés pour l’occasion par des artistes confirmés (du violoncelliste Alain Meunier au jeune baryton Marc Mauillon). Mélange international de noms illustres (Debussy, Ravel, Prokofiev, Stravinsky), connus (Magnard, Koechlin, Korngold, Vaughan-Williams) ou oubliés (Labey, Delvincourt, Butterworth, de La Presle). Versions originales ou alternatives (Le Sacre du printemps à deux pianos ou Le Tombeau de Couperin à l’orgue) sur instruments d’époque de préférence. Impression générale (sur les premiers volumes parus) de foisonnement esthétique mais de qualité variable, besoin de se référer aux textes de pochette – assez succincts mais soignés – pour saisir, en particulier dans les pièces les plus faibles, la violence du cataclysme et ses effets secondaires. La collection est proposée libre de droit aux institutions publiques intéressées. Une entreprise d’intérêt général, aux prétentions commerciales modestes mais destinée à assurer la part de la musique face à la masse de documents, films, livres et archives commémorant le Centenaire. Doublement respectable donc.

François Lafon

Les Musiciens et la Grande Guerre - Hortus – WW1 Music. 6 volumes parus

mardi 30 septembre 2014 à 11h33

Quoi de neuf chez Warner ? L’intégrale Maria Callas en 69 CD. Nouveau packaging, livret somptueux, édition collector. Le neuf ? Une sérieuse remasterisation, dont le brillant Allan Ramsey, musicien lui-même et ingénieur du son aux studios d’Abbey Road, est venu à Paris expliquer le pourquoi et le comment. Le pourquoi est évident : depuis ses premiers récitals chez Cetra jusqu’à ses derniers enregistrements EMI, les disques de studio de Maria Callas (les live sont une autre affaire) avaient en commun une prise de son qui les faisait paraître de vingt ans plus vieux qu’ils n’étaient. Leur(s) réédition(s) en CD n’avaient rien amélioré, si ce n’est que la réverbération qui les enveloppait d’un voile de rêve (version optimiste de la situation) paraissait plus artificielle encore. Premier exemple commenté par Ramsey : « Casta diva » dans l’enregistrement stéréo de Norma réalisé à la Scala de Milan en 1960. Avant : voix soliste émergeant d’un magma orchestral additionné de chœurs nébuleux. Après : choeurs toujours nébuleux, orchestre beaucoup plus détaillé, voix incroyablement présente : prises de souffle, sons « dans les joues » (spécialité de l’artiste, à ne surtout pas imiter), disparité des registres, variété des colorations (critiquées à l’époque, admirées par la suite). Surtout, différence de perspective : Callas au premier plan, orchestre déployé derrière elle. Plus de présence, moins d’atmosphère, diront les nostalgiques des vieilles cires. Eternel débat. Au moins peut-on - sur pièces - apprécier la tant vantée idylle sonore de Callas avec Karajan dans Le Trouvère (1956) ou la façon dont celle-ci fait vivre le mariage texte-musique dans sa si controversée CarmenQuand je vous aimerai … »). Le comment est affaire de technique (HD 24-bit/96kHz : « Même différence qu’entre une photo prise avec des appareils de 1 et de 12 mégapixels ») et de patience : travail de bénédictin sur les bandes de Londres à Milan, réécoute des diverses prises, analyse des montages, détection des bruits parasites (rumble du métro, ronflement des motos). « Sans pour autant nous permettre de choisir d’autres prises, ni de changer quoi que ce soit au montage final » précise Ramsey. Callas forever donc ? Jusqu’à la prochaine étape d’une inusable redécouverte.

François Lafon

Callas remastered, complete studio recordings (1949-1969). 1 coffret de 69 CD. Intégrales et récitals disponibles séparément

samedi 2 août 2014 à 00h37

Le mercredi et le samedi sur la chaîne Gong Base : "Very bad film", une hilarante (ou déprimante, selon l’humeur) collection de nanars de tous les pays et de toutes les époques. Et pourquoi pas "Very bad record" (très mauvais disque) ? Plus difficile de fonder son choix sur les œuvres : il y aura toujours (révérence gardée) un Glenn Gould pour affirmer que Mozart est mort trop vieux, ou d’honorables érudits pour démontrer que dans le genre « les dieux ont des voix de basses », Le Roi de Lahore de Massenet est infiniment supérieur à La Walkyrie. A ce propos, on pourrait imaginer un worst of des enregistrements wagnériens, par exemple. Prenez Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg : que pensait Karajan du célèbre document live capté sous sa direction à Bayreuth en 1951 (EMI), dont l’atmosphère est certes inimitable, mais où les décalages scène-fosse mériteraient d’entrer aux Livre des Records ? Comment les responsables de Philips (et de Bayreuth) ont-ils sorti – et réédité en CD – les Maitres-Chanteurs dirigés en 1974 par Silvio Varviso (photo), où chanteurs et musiciens ont l’air de compter les (longues) heures les séparant de la délivrance ? Karajan, certes, a réenregistré Les Maîtres-Chanteurs selon ses vœux dix-neuf ans plus tard à Dresde, de même que Georg Solti, roi de l’abîme mystique reconstitué en studio depuis sa Tétralogie « comme si vous y étiez », a corrigé ses ternes Maîtres de 1975 par un brillant remake (Decca – 1995). Questions d’interprétation, bien loin des Very bad films de Gong Base ? Les ratages désopilants sont rares à l’opéra, où l’on est tenté de compatir plus que de se moquer lorsqu’un chanteur est en difficulté, comme ce soir de 1976 au Théâtre antique d’Orange, ou le grand James King a terminé Lohengrin en parlant sur fond d’orchestre. N’empêche : profitez de l’été pour réécouter vos disques, en ne jetant surtout pas ceux que vous trouverez définitivement very bad.

François Lafon

L’avenir du disque passera par la dématérialisation, dit-on. Fini le CD, maintenant que nous sommes constamment connectés, commence l’ère du téléchargement et du streaming. Le Philharmonique de Berlin, qui dispose depuis quelques années de sa propre plateforme de concerts sur Internet (le Digital Concert Hall) avait déjà fait un premier pas vers la disparition progressive des supports physiques. Mais l’orchestre le plus enregistré au monde ne semble pas vouloir devenir un avatar comme un autre dans les nuages numériques. En créant son propre label discographique, l’orchestre de Simon Rattle suit la trace du London Symphony ou du Concertgebouw d’Amsterdam qui mettent déjà sur galette leurs concerts enregistrés sur le vif. Le pari berlinois est pourtant plus audacieux : à orchestre de luxe, objet de luxe. Pour ouvrir le catalogue, une intégrale des symphonies de Schumann (voir ici ce qu'en pense François Lafon) sur deux CD, plus un Blu-ray qui donne la possibilité de regarder les concerts à la Philharmonie de Berlin ou de simplement les écouter avec une qualité assez phénoménale. Ce n’est pas tout, puisqu’on peut aussi télécharger les concerts (en plusieurs formats et qualités également), et se faire plaisir avec un pass valable pendant 48 heures sur le Digital Concert Hall. Le plus déroutant est sans doute l’écrin qui contient ces galettes : ne songez pas à ranger dans votre discothèque ce coffret au format italien, orné avec une vase créé expressément pour cette édition dans une manufacture berlinoise dont on cherche le rapport avec les symphonies de Schumann. Pour l’avoir chez vous, il faudra passer par la boutique en ligne de l’orchestre et payer 49,90 €, sans compter les frais d’envoi postal. Orchestre de luxe… 

Gérard Pangon

Parution du Jardin de Monsieur Rameau, deuxième album des Arts Florissants Editions après Belshazzar de Handel (voir ici). Packaging de luxe, avec livret soigné et insert d’une nouvelle originale, cette fois signée du romancier Adrien Goetz et intitulée Dans un jardin en Normandie. En fait de jardin musical : Rameau et ses satellites, Rameau dans son époque. Montéclair, Dauvergne, Campra, le jeune Gluck (avant la « réforme » lyrique qui enterrera, entre autres, Rameau), ainsi que Nicolas Racot de Grandval, dont la cantate Rien du tout met en scène une chanteuse menaçant de ne plus chanter sur des airs de Campra, Montéclair etc. Il y a même, glissés entre les extraits d’Hippolyte et Aricie, de Dardanus et des Indes galantes, des canons tirés du Traité de l’harmonie de Rameau, et intitulés « Ah, loin de rire » ou « Réveillez-vous, dormeur sans fin ». Jeunes pousses vocales issues de l’académie Le Jardin des voix, Arts Florissants plus efflorescents que jamais dirigé par un Christie toujours vert : puisque métaphore botanique il y a … Le livre-disque – concept développé pour tenter d’enrayer la chute des ventes de CD - relèverait plutôt de la métonymie : on lit un disque, on écoute un jardin. Un concept assez ramiste, à y bien regarder.

François Lafon

Le Jardin de Monsieur Rameau. Les Arts Florissants – William Christie Editions, n°2

vendredi 11 avril 2014 à 11h58

Héraut et bénéficiaire du passage des labels EMI/Virgin dans le giron de Warner/Erato : Maurice André. « La plus grande joie de notre père a toujours été l’espoir de voir un jour réunis ses enregistrements réalisés durant plus de 40 ans pour ses deux labels exclusifs », se souviennent ses enfants Liliane, Béatrice et Nicolas. Deux ans après la disparition du roi de la trompette, le coffret de 3 CD Le Meilleur d’une vie a tout de la compilation décomplexée : mouvements isolés de concertos, transcriptions de chansons et d’airs d’opéra, fantaisies et suites sur des thèmes connus, issus en effet des catalogues Erato et EMI. Les fans admireront le génie de leur idole à passer d’un répertoire à l’autre, les autres pointeront une curieuse unité de style entre le Concerto de Hummel et Les Moulins de mon cœur. Les discophiles nostalgiques pourront jouer à « qui a fait quoi » façon Trivial Poursuit. Le Concerto en mi bémol majeur de Haydn : avec Karajan et le Philharmonique de Berlin ou Riccardo Muti et le Philharmonia ? L’Air de la Reine de la nuit : Michel Plasson et le Capitole de Toulouse ou Marc Soustrot et l’Opéra de Monte-Carlo ? Les Feuilles mortes : François Rauber ou André Carradot au pupitre ? Le 2ème Concerto Brandebourgeois de Bach avec l’Orchestre Jean-François Paillard : chez EMI ou Erato ? « Bien souvent, on va chercher des complications inutiles. Je me suis dit : une embouchure, c'est ni plus ni moins qu'un bout de fer qu'on met sur les lèvres. Plus le bord est étroit, plus il va couper la lèvre. Mais, à l'opposé, plus il sera large, plus il sera reposant », expliquait Maurice André. Le reste n’est en effet que littérature.

François Lafon

Maurice André, le meilleur d’une vie. Enregistrements 1958-1997. 3 CD Erato.

lundi 30 décembre 2013 à 11h06

Parution en coffret de cinq CD des enregistrements du violoniste Ivry Gitlis pour Decca (1966-1995). Traits de génie et dérapages inspirés, jeu intemporel et documents d’un autre temps : une photographie non retouchée de cet artiste déconcertant (sans jeu de mot), que l’on voit encore - à quatre-vingt-onze ans - dans les salles de concert au milieu d’une nuée de jeunes artistes, que l’on a beaucoup vu au Grand Echiquier de Jacques Chancel, dont il était l’invité récurrent en compagnie sœurs Labèque et d’Alexis Weissenberg. Musts du coffret : les Paganini (Caprices, Concertos), le Concerto « à la mémoire d’un ange » de Berg, enregistré en 1967 avec l’Orchestre National de l’ORTF, mais aussi les Danses roumaines de Bartok et, pour les fans, les Concertos de Wieniawski et le Double de Brahms, avec Maurice Gendron au violoncelle sous la baguette du jeune Michel Tabachnik (1971). Du Concours Thibaud, dont il n’a reporté que le 5ème prix en 1951, ce Protée de la musique, étranger à tout plan de carrière, élève d’Enesco au Conservatoire de Paris, parrainé aux Etats-Unis par George Szell et Eugene Ormandy mais aussi partenaire des Rolling Stones et de John Lennon, ambassadeur permanent de l’Unesco et acteur occasionnel de cinéma (avec Truffaut et Schlöndorf), ne manque jamais de dire : « Je ne l’ai pas raté, c’est lui qui m’a raté ». Une seule répartie pour définir ce bien nommé « bon homme de passage » (git en yiddish, Ivry en hébreux).

François Lafon

Ivry Gitlis, Portrait. Un coffret de 5 CD Decca

mardi 26 novembre 2013 à 18h50

Lulu, opéra dérangeant : créé à Zürich en 1937, deux ans après la mort d’Alban Berg, il n’est donné dans sa Vienne « natale » qu’en 1962, et ne sera présenté dans la version complétée par le compositeur Friedrich Cerha qu’à Paris en 1979. C’est la création viennoise – dans la version courte seule autorisée alors par la veuve du compositeur - qui paraît aujourd’hui en DVD, filmée par l’ORF le 9 juin 1962 au Théâtre An der Wien. L’image en noir et blanc n’est pas très nette et le son n’est que correct, mais le plateau est somptueux et Karl Böhm dirige cette musique comme s’il s’agissait de Don Giovanni ou de La Femme sans ombre, avec juste ce qu’il faut de charme viennois pour rappeler que pour être un maître du dodécaphonisme, Berg respirait le même air que Mozart et Strauss. La mise en scène d’Otto Schenk est très classique et les décors et costumes évoquent davantage Feydeau que la Sécession viennoise, mais la direction d’acteurs est juste et précise, et l’ensemble se laisse voir comme une dramatique télé de l’époque héroïque, ce qui ne lui va pas si mal. A la fois mangeuse d’hommes et victime du désir des mâles, Evelyn Lear joue et chante (fort bien) Lulu au premier degré, ce qui ajoute à son mystère. Autour d’elle, les messieurs sont à la fois odieux et ridicules, la palme revenant Paul Schöffler en Docteur Schön et à Josef Knapp en père-amant-clochard. Formidable Gisela Litz en comtesse Geschwitz. A ranger aux côtés du coffret (Arthaus aussi) réunissant cinq spectacles historiques du Deutsche Oper de Berlin (voir ici).

François Lafon

1 DVD Arthaus Musik 101 687

mercredi 13 novembre 2013 à 10h11

En DVD chez Harmonia Mundi : Tragédie d’Olivier Dubois, filmé au festival d’Avignon 2012. Un ballet, faute d’un terme plus approprié : « élan archaïque », « pressions tellurique », comparaison avec le chœur antique, citation de Simone de Beauvoir (« Le corps est un mitsein originel »). Cinq parties : Parades, Oracles, Episode, Péripéties, Catharsis/Exode. Une heure et demie durant, deux fois neuf corps nus – autant d’hommes que de femmes – marchent, s’arrêtent, se croisent, tombent, se mélangent, se relèvent, sont pris de transes, retombent, sortent. Cela pourrait être assommant, prétentieux, racoleur, has been, provocant à la manière du Living Theatre dans les années 60. C’est bien plus : rigoureux, électrique, irracontable, fascinant. Musique de François Caffenne, collaborateur régulier de Dubois, remarqué pour son arrangement du Boléro de Ravel illustrant le ballet (?) Révolution : pulsation lente (battements de cœur ou coups de masse), péripéties, dérèglements (travail sur la saturation), emballements, délire, silence. Un accompagnement efficace, violent, à la mesure de ce que l’on voit, ou, si l’on écoute la BO jointe en CD, une construction abstraite, raffinée, équilibrée. La plus belle contribution au centenaire du Sacre du printemps ? Non, évidemment, quoique… On aimerait bien tout de même qu’Olivier Dubois s’y attaque, au Sacre.

François Lafon

Tragédie, Olivier Dubois, François Caffenne. 1DVD + 1 CD Harmonia Mundi

En même temps que "Natalie Dessay/Michel Legrand - entre elle et lui" (Erato), parution d’"Anne-Sofie von Otter : Douce France" (Naïve). Deux façons d’échapper au chant classique sans renier ses origines. Pour chanter variétés, supprimez le vibrato, explique Dessay (voir ici). Difficile en effet de d’imaginer le contre fa de la colorature dans la voix parlée-chantée qui détaille la Recette pour un cake d’amour (Peau d’Ane) et la Chanson de Delphine à Lancien (Les Demoiselles de Rochefort). Von Otter, mezzo suédoise à l’aise dans la langue de Verlaine et Ferré, descend de moins haut, et enchaîne mélodies (de Reynaldo Hahn à Ravel) et chansons (Lemarque, Kosma, Trénet, Moustaki) sans solution de continuité : tout juste remet-elle le vibrato dans Parlez-moi d’amour. Un cross over plus difficile à manier en français qu’en anglais, où Eileen Farrell jadis, Kiri Te Kanawa naguère et Renée Fleming récemment ont donné l’exemple : Dessay a curieusement l’air d’une débutante en duo avec Legrand (Les Moulins de mon cœur) et Von Otter vit une timide Vie en rose en regard de Piaf et Marlène. On rêve au contraire d’entendre chanter Fauré comme l’ont fait Barbara (Au Cimetière) ou Montand (Les Berceaux), ne serait-ce que pour débarrasser la mélodie française de son tenace parfum de vieux rideaux. Mais ce n’est probablement pas à des cantatrices qu’il faut demander cela.

François Lafon

Natalie Dessay/Michel Legrand - entre elle et lui : 1 CD Erato/Warner – Anne-Sophie von Otter : Douce France, 2 CD Naïve.

mercredi 16 octobre 2013 à 10h23

Enfin ! Il y a deux ans encore, Universal et Deezer, le site légal d’écoute à la demande, se livraient une bataille sans merci. Aujourd’hui, les voici associés : au lieu de se contenter de maudire Internet, comme nombre d’éditeurs de musique, Deutsche Grammophon propose sur Deezer une application des plus réjouissantes. L’astuce, c’est d’inviter à la découverte avant même de chercher à vendre.

Vous aimez la clarinette ? Allez donc cliquer de ce côté-là, vous apprendrez peut-être deux ou trois choses que vous ne savez pas d’elle, et vous pourrez écouter. Vous préférez l’accordéon ? Bach, sur le « piano du pauvre », possède un charme indéniable, faites-vous une idée. Vous êtes d’humeur chagrine, entrez dans Mood pour vous revigorer avec une Danse hongroise de Brahms ou l’ouverture des Noces, à la rubrique Joyeux. Et si vous cherchez à comprendre ce qu’est la musique de chambre, l’entrée par genre est là pour ça, avec un petit texte de présentation, des exemples à écouter et une sélection pour aller plus loin.

Avantage : tout un monde dans votre poche car Deutsche Grammophon met à portée de clic son catalogue centenaire ; inconvénient : plus d’internet, plus de discothèque. Pas encore l’intégralité des archives en ligne, mais déjà un bon choix : tapez Rafael Kubelik, vous trouverez ses grands enregistrements, Rigoletto compris.

Le prix ? Du gratuit pour commencer, puis, au plus, 9,99€ par mois pour écoute illimitée en streaming sur le web et sur mobile. Faire sa propre éducation musicale au gré de ses envies, voilà qui est caractéristique de ce « média individuel de masse » qu’est Internet, avec une autre façon d’écouter de la musique, sans livret, sans idées préconçues, juste au feeling pour commencer. La musique dite savante passera-t-elle ainsi au statut de musique populaire ? Est-ce le coup de grâce tant annoncé au support physique ? Un modèle économique viable en tout cas : logistique réduite, revenu publicitaire accru. Pour le mélomane : toute une discothèque pour le prix d’un CD éco. A quand l’étape ultime : un unique abonnement donnant accès à tous les labels ?

OD – FL – GP

http://www.deezer.com/fr/app/deutschegrammophon/home

samedi 20 juillet 2013 à 08h51

Quel cadeau faire à Verdi pour son 200ème anniversaire ? Une intégrale vidéo de ses opéras, les tubes comme les oubliés. Cela donne Tutto Verdi, 30 DVD ou Blu-Ray en gros (coffret luxe) ou au détail, réalisés pour la plupart au Teatro Regio de Parme. Problème : Parme ne peut pas s’offrir les têtes d’affiche de ses rêves, lesquelles hésiteraient de toute façon à se pencher sur les ouvrages les moins bankables. L’époque est lointaine (années 1970) où Philips réunissait en studio les stars du moment pour enregistrer Le Corsaire ou La Bataille de Legnano. Résultat, une photographie assez précise de l’interprétation verdienne moyenne en ce début de XXIème siècle : voix italiennes et timbres slaves de qualité inégale, quelques vétérans illustres (Leo Nucci, Renato Bruson), des vedettes de passage (Marcelo Alvarez, Anna-Caterina Antonacci). Même topographie pour les chefs - batteurs de mesure dans la tradition, références locales (Gianluigi Gelmetti), extras inattendus (Yuri Temirkanov) – et pour les metteurs en scène, Liliana Cavani, Pier’Alli ou Pier Luigi Pizzi faisant presque figure d’avant-gardistes. Pour les relectures et exégèses, Wagner, l’autre bicentenaire de l’année, reste en tête. Quelques mesures pourtant d’Otello par Riccardo Muti, invité surprise de la série, et l’on se prend à imaginer un anniversaire Verdi autrement exaltant.

François Lafon

Tutto Verdi 26 opéras, Requiem, documentaire de Sergej Grguric – 30 DVD – 64 h 47 min.

Emoi dans le Landernau musical à la suite de la disparition de Janos Starker. Rien que de justifié : Starker était un grand violoncelliste et un grand professeur. Pas étonnant non plus qu’on parle moins de lui que de Rostropovitch : il n’a pas tutoyé Prokofiev et Chostakovitch, ni épousé une diva, ni été déchu de sa nationalité pour raisons politiques. Il a seulement – si l’on ose dire – fui sa Hongrie natale pour devenir américain via la France parce qu’il était juif, et qu’il n’a échappé aux nazis que pour tomber sous la coupe des communistes. Aucun scoop à son propos : on le disait glacial, y compris en scène (« Il se caricaturait emprisonné dans un iceberg avec comme légende « Celui dont la flamme intérieure gèle l’air autour de lui », rappelle son élève Raphaël Pidoux dans La Croix) et ses photos le montraient rarement en train de sourire, même à son pianiste favori Gyorgy Sebok, lequel en comparaison avait l’air d’un doux rêveur.  Il a pourtant - et cela c’est d’une certaine manière un scoop, parce que les discographies l’oublient trop souvent – enregistré des dizaines de disques (plus de 160 œuvres), du 78 tours au CD, parmi lesquels cinq versions des Suites de Bach, de plus en plus austères jusqu’à un ascétisme rarement égalé. Mais il officiait, il est vrai, à une époque où il n’était pas besoin de ressembler à une rock star pour faire carrière, et où les pochettes des disques classiques n’essayaient pas de persuader le chaland que la très ardue Sonate pour violoncelle seul de Kodaly (autre tube de Starker) était aussi fun que le dernier album de Frank Sinatra.

François Lafon

Batterie de vernissages à la Maison européenne de la photographie : Claude Lévêque, Philippe Favier, André Morain, une installation sonore du Japonais Atsunobu Kohira, une salle Images et Musique, en parallèle avec la série de livres-disques lancée en 2010 par Actes Sud. Beaux clichés signés Michael Ackerman (Berg, Schönberg et Webern par le pianiste brésilien Jean-Louis Steuerman), Alain Fleischer (mélodies anglaises par le ténor Simon Edwards), Pascal Dusapin (ses propres Etudes pour piano par Vanessa Wagner). Pour le son, possibilité d’écoute sur place (connexion avec smartphone), ou investissement dans les disques, lesquels sont en eux-mêmes des objets d’art : maquette luxe, reproductions photos impeccables, textes de présentation autorisés (Gérard Condé pour l’Ecole de Vienne) ou médiatiques (Michel Onfray pour Dusapin). Une collection anticrise : l’objet-disque ne se vend plus, magnifions-le ; le grand public ne réagit plus, faisons dans l’élitisme (deux-mille exemplaires vendus par titre). L’objet ressemble davantage à un livre qu’à un disque ? C’en est un aussi. Au rayon CD d’un grand magasin : - Où sont les disques classiques ? – Etage du dessous, librairie. – Pourquoi librairie ? – Produits culturels. Pour vivre heureux, vivons cachés ?

François Lafon

Maison européenne de la photographie, 5 rue de Fourcy, 75004 Paris du 17 avril au 16 juin. www.mep-fr.org

« Images et musique », Musicales Actes Sud. Trois volumes parus (dont un Albéniz par Jean-François Heisser, piano et Isabel Munoz, photos, absent de l’exposition). Parution de l’album Mélodies anglaises le 7 mai. Photo © Pascal Dusapin

Chez EMI, "Michel Plasson et l’opéra français" (38 CD), deux ans après "Michel Plasson et la musique française" (37 CD). Quinze ouvrages intégraux (dont l’un deux fois : Roméo et Juliette de Gounod) enregistrés de 1976 à 2002 à la Halle aux Grains de Toulouse avec l’Orchestre du Capitole. Seul manque un des plus fêtés, Werther de Massenet avec Alfredo Kraus, exclu du coffret parce qu’enregistré à Londres avec le London Philharmonic. Principe adopté par Plasson et le directeur artistique Alain Lanceron : une ou deux stars internationales, coachées par la chef de chant Jeanine Reiss et entourées de solides voix francophones, ce qui n’était pas toujours évident en ces temps de basses eaux hexagonales. Peu de ratés (Les Pêcheurs de perles), quelques raretés (Guercoeur de Magnard, Padmâvati de Roussel), et quelques références, comme Faust, Mireille, Lakmé ou Don Quichotte. Petit jeu : deviner l’âge d’un album au vu de sa distribution. En 1984, quand elle enregistre La Belle Hélène, Jessye Norman est une pop star. Même remarque pour le couple Roberto Alagna-Angela Gheorghiu (Roméo et Juliette, 1995 - Carmen, 2002). Quelques choix relèvent de la gageure, comme la wagnérienne Hildegard Behrens dans Guercoeur (1986), ou le duo Teresa Berganza-José Carreras pour La Périchole d’Offenbach. Parmi les voix francophones, de solides troupiers perpétuant une tradition désormais oubliée, des espoirs parfois déçus, et, tout de même, quelques stars, comme Régine Crespin, Gabriel Bacquier, José Van Dam (présent dans dix albums), en attendant Natalie Dessay, Roberto Alagna, la relève des années 1990. C’était l’époque des intégrales de studio, du théâtre pour l’oreille né après la guerre avec l’avènement du microsillon. Le temps des dinosaures, déjà. 

François Lafon

1 coffret de 38 CD EMI

mercredi 28 novembre 2012 à 10h03

Cinq DVD, cinq spectacles historiques du Deutsche Oper Berlin, à l’occasion du centenaire de la maison. Le coffret offre une photo sinistre du bâtiment reconstruit en 1961, qui servira d’opéra à Berlin-Ouest, le Staatsoper unter den Linden se trouvant à l’Est, derrière le Mur nouvellement édifié. Programme inquiétant aussi : Don Giovanni (le spectacle d’ouverture – 1961), Otello, Fidelio, Don Carlos, Die Heimliche Ehe (Le Mariage secret de Cimarosa), tous chantés en allemand, sauf Otello, où les solistes s’expriment en italien et les chœurs en allemand. L’espoir revient au vu des distributions - Dietrich Fischer-Dieskau, Elisabeth Grümmer, Walter Berry, Christa Ludwig, James King, Pilar Lorengar, Renata Tebaldi, Martti Talvela – et des chefs – Ferenc Friscay, Artur Rother, Lorin Maazel, Wolfgang Sawallisch. Nouvelle déprime à l’idée de ce qu’on va voir : des mises en scène essentiellement assurées par l’intendant maison, le spartiate Gustav Rudolf Sellner, captées en noir et blanc avec les moyens télévisuels de l’époque. La surprise n’en est que plus belle : parce que spartiates, justement, mais filmés avec une souplesse remarquable, les spectacles échappent au kitsch et évoquent - le génie en moins - l’esthétique de Bertolt Brecht, de Wieland Wagner, de Jean Vilar. Même rigueur dans le jeu d’acteur, réaliste, minimaliste, mais rarement souligné, ni grimaçant. Quant à la musique… Trois moments de grâce parmi d’autres : les duos de Don Carlos, chantés « à la corde » par Fischer-Dieskau et James King, l’ouverture du Mariage secret s’envolant littéralement sous la baguette du jeune Maazel, tout Fidelio, avec une Christa Ludwig plus rayonnante encore que dans l’enregistrement illustre d’Otto Klemperer (EMI). Plus difficile, après cela, de se dire que les légendes d’hier sont à écouter les yeux fermés.

François Lafon

Deutsche Oper Berlin, un coffret Arthaus Musik, ou 5 DVD séparés.

vendredi 6 avril 2012 à 10h42

Le 33 tours fait son come back, le 45 tours aussi. Seulement au Royaume-Uni et uniquement le 21 avril, pour le Record Store Day (jour des disquaires indépendants), EMI lance un scoop en édition limitée de mille exemplaires : la Habanera de Carmen en version duo, par Maria Callas et Angela Gheorghiu. Matériau de base : l’air en question dans le récital Callas à Paris (1961). Disparition de l’Orchestre National de la RTF dirigé par Georges Prêtre, re-recording par les musiciens du Royal Philharmonic, casque sur l’oreille, reproduisant les (nombreuses) variations de tempo de l’original, alternance et/ou unisson des voix de Callas et de Gheorghiu, retravaillées pour donner l’impression que les deux dames ont enregistré le même jour et dans le même lieu. Problème technique relevé par Jonathan Allen, directeur du remastering : la voix de Gheorghiu est plus riche en harmoniques que celle de sa devancière. Comble du kitsch, mais prétexte à relancer l’album « Angela Gheorghiu, hommage à Maria Callas », paru l’année dernière, où l’on constatait que la copie n’égalait pas tout à fait le modèle.

François Lafon

www.recordstoreday.co.uk

mercredi 28 décembre 2011 à 09h52

« Vous y voilà ! Vous avez décidé d’effectuer une plongée dans ce monde effrayant, mystérieux, surnaturel, rempli de barbus en toge et de grosses dames avec des cornes. » Ainsi commence le livret de cent pages accompagnant le coffret de six CD L’Opéra pour les nuls, déclinaison sonore du livre paru en 2006. Mais où voit-on encore des Walkyries cornues et des barbus en jupette, si ce n’est sur certaines scènes américaines ? La série des Nuls, il est vrai, vient de là-bas, et cela se sent tout au long de ce résumé éclair de quatre siècles d’un art protéiforme, en dépit de la traduction-adaptation astucieuse qu’en a fait la musicographe Claire Delamarche à l’usage du public européen. Pour la musique, pas de problème non plus : les cent extraits sont puisés dans le catalogue EMI-Virgin, où se bousculent gosiers d’or - de Callas à Dessay -, et baguettes magiques - Karajan et Muti en tête. Même dynamique pour La Musique classique pour les Nuls : le livre en 2006, un coffret de six CD en 2010, vingt-cinq CD isolés en 2011. Textes vivants et catalogue EMI-Virgin à la rescousse. Tout cela, bien sûr, fait un tabac. « Avec les Nuls, tout devient facile », dit la publicité. Pourquoi, c’est aussi difficile, la musique, que voudraient nous le faire croire certains gardiens du temple ? Coïncidence : le jaune et le noir, couleurs officielles des Nuls, sont aussi celles de Deutsche Grammophon, lequel a publié avec Europe 1 et Mezzo des Clefs du classique en quarante pages et deux CD. Moins ludique, mais néanmoins soigné.

François Lafon

L’Opéra pour les Nuls. 1 coffret 6 CD + 1 livre EMI-Virgin 678657 2 7 - La Musique classique pour les Nuls : 25 CD isolés EMI-Virgin – Les Clefs du classique : 2 CD Deutsche Grammophon 480 4513

vendredi 2 décembre 2011 à 10h18

Marcel Proust le musicien : vaste (vague ?) programme. A quoi ressemble le petite phrase de Vinteuil, leitmotiv musical d’A la Recherche du temps perdu ? A du Franck (Sonate pour violon et piano), à du Saint-Saëns (Romanza pour violoncelle et piano), à du Fauré (1ère Sonate pour violon et piano), à du Debussy, voire à du Reynaldo Hahn, l’ami de cœur de l’écrivain ? Et pourquoi pas à du Proust, lu à haute voix, respiré comme un texte de théâtre ? C’est ce que qu’ont tenté Anthony Leroy (violoncelliste) et Sandra Moubarak (pianiste), avec ce livre-disque finement illustré, à offrir pour Noël aux amateurs de cadeaux intelligents. Le principe est classique : un texte, une œuvre, trois comédiens et nos deux musiciens, secondés par Teddy Papavrami (violon) et Magali Léger (soprano), plus un document d’époque : le Quatuor Capet, que Proust appréciait, jouant Beethoven. Musicalement, rien à dire : on ferme les yeux en humant le parfum des cattleyas. Mais les textes, judicieusement choisis avec l’aval du spécialiste Jean-Yves Tadié ? Presto avec Romane Bohringer, Allegretto avec Didier Sandre, Andante avec Michael Lonsdale. Chez ce dernier, comme toujours : précision extrême teintée d’une très légère hésitation. C’est avec lui qu’on « entre dans la ronde, dans la ronde divine mais restée invisible pour la plupart des auditeurs » de la musique selon Marcel Proust.

François Lafon


Marcel Proust, le musicien. 1 livre-disque (2 CD) Decca 476 469 3

lundi 1 août 2011 à 09h39

Alex Steinweiss vient de mourir à quatre-vingt-quatorze ans. En 1939, chez Columbia Records où il venait d’être nommé directeur artistique, il a inventé la pochette illustrée. En 1948, il a lancé les premières jaquettes en carton. En 1970, il s’est arrêté pour se consacrer à la peinture et à la céramique. : «Un jour que j’attendais à la réception d’une compagnie de disques, moi dans mon costume, à côté de tous ces types à cheveux longs et vestes à franges, je me suis dit que j’étais bon pour la retraite.» Ses pochettes de disques, très marquées par la technique du collage, étaient à la fois naïves et extraordinairement inventives : gratte-ciel en pointillé pour le Concerto en fa de Gershwin, armure à fenêtres pour Une Vie de héros de Richard Strauss (avec photomaton du compositeur et flèches indiquant le cœur du héros), arc-en-ciel ailé pour L’Oiseau de feu de Stravinsky, poste de TSF coiffé d’un canotier pour Bing Crosby, piano-fusée pour le Concerto « L’Empereur » de Beethoven. Son style a fait école : le piano-fusée, par exemple, a inspiré la pochette de l’album de Pinfk Floyd The Dark side of the Moon en 1973. Fait remarquable : ce sont les œuvres qu’il mettait en valeur, plus que les interprètes, fussent-ils aussi vendeurs que Bruno Walter, Rudolf Serkin, Jennie Tourel ou Oscar Levant. On se demande comment il aurait contourné les actuels diktats du marketing et intégré à ses créations les galeries de photos-promo censées aguicher le client.

François Lafon

A lire : S. Heller et K. Reagan, Alex Steinweiss, inventeur de la pochette de disque moderne, Edition Taschen, 49, 90 €.

lundi 25 juillet 2011 à 09h49

« À 23 ans vous vous sentez souvent trop vieux pour une fête techno, et à 50 trop jeune pour un concert de musique classique. ». C’est Villalobos qui parle. Pas le compositeur des Bachianas Brasileiras (dont le nom s’écrit, d’ailleurs, Villa-Lobos), mais Riccardo Villalobos, un DJ germano-chilien, roi des nuits berlinoises. En réponse à ces dures constatations, Villalobos mélange techno minimale (sa spécialité), jazz, folk, classique (jusqu’à Phil Glass) et bien d’autres styles encore, et immortalise son œuvre sur disques ECM, le label aux élégantes couvertures en noir et blanc, créé en 1969 par un précurseur nommé Manfred Eicher. Deutsche Grammophon, de son côté, a créé la série Recomposed, et mis à la disposition de quelques DJ qui font la loi des fleurons de son catalogue. On trouve ainsi l’Adagio de Xème Symphonie de Mahler « recomposé » par Matthiew Herbert d’après l’enregistrement dirigé par Giuseppe Sinopoli, ou le travail de Moritz von Oswald et Carl Craig sur le Boléro de Ravel et les Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans la dernière version Karajan (1987). « A travers le monde de la musique classique, j'ai acquis une bonne compréhension de la dimension du son et de sa profondeur. Cela m'a montré qu'il est difficile de créer la tridimensionnalité avec des instruments électroniques », déclare von Oswald, qui a commencé comme percussionniste dans des formations classiques. Basses grondantes et cordes planantes, rythme obstiné chez Ravel ou déhanché chez Moussorgski, sons naturels retravaillés à l’infini : du nouveau avec de l’ancien. Un autre DJ berlinois, Stephan Goldmann, explique le phénomène : « Tout a été dit. Nous sommes arrivés au point où les gens sont étonnés d’appendre qu’il existe un monde au-delà de leur propre domaine ». Selon que vous serez pessimiste ou optimiste, vous trouverez lamentable ou encourageant ce recyclage de vos chefs-d’œuvre favoris à l’usage des dancefloors. Vaut-il mieux découvrir Mahler et Haydn remixés sous les spotlights ou pas du tout ? A moins que vous ne vous réjouissiez d’être les seuls à avoir accès à la vraie musique, sans penser à aller voir si ces moustaches à la Joconde ne peuvent pas vous inciter à regarder le tableau d’une autre façon.

François Lafon

jeudi 12 mai 2011 à 09h24

Le motet de Thomas Tallis Spem in alium, avec ses quarante voix réelles, a longtemps été considéré comme le parangon de la complexité en musique. Or voilà que sur le modèle du dessin animé de Tex Avery Le plus petit Pygmée du monde - interdit au nom du politiquement correct -, le claveciniste Davitt Moroney a retrouvé à la Bibliothèque Nationale, où elle se cachait sous une étiquette erronée, une pièce plus ancienne et plus étonnante encore signée Alessandro Striggio (père du librettiste de Monteverdi), la Missa supra ecco si beato giorno, elle aussi à quarante voix (soixante, même, pour l’Agnus Dei final). Ledit Striggio était d’ailleurs coutumier du fait, puisqu’il s’était auparavant fait la main sur un motet, Ecce Beatam Lucem, pour quarante voix indépendantes. C’est en réaction à ces folies sonores qu’a fleuri la monodie accompagnée, matériau de base de l’opéra. De quoi faire réfléchir les derniers tenants du parallélisme complexité grandissante = progrès, encore étonnés qu’à l’avant-garde dure des années 1950-1980 soient venus s’opposer des courants « néo » réhabilitant un confort musical bassement bourgeois. Alessandro Striggio – Bernd Alois Zimmermann, même combat ? Les Soldats de Zimmermann, une des partitions les plus complexes du XXème siècle, étant un opéra, les tenants du parallélisme précité réfléchiront aussi sur le fait que, bien loin de suivre le chemin sans retour de l’évolution de l’espèce (musicale), la création n’en finit pas de tourner en rond.

François Lafon

Alessandro Striggio : Messe à quarante voix. I Fagliolini, Robert Hollingworth (direction) – 1 CD Decca. Sortie le 6 juin.

mardi 8 février 2011 à 11h55

Des références, des interprétations pour l’éternité ? Comme les caméras dans les centres commerciaux, les disques témoignent. On trouvait jusqu’ici les « Metropolitan Opera’s live Saturday matinee radio broadcast » sous étiquettes Myto, Walhall ou Bongiovani. En voilà quatre dans le circuit officiel, remasterisées, fers de lance d’un contrat entre le MET et Sony qui comprend aussi des spectacles récents en DVD. Ce sont des blockbusters : Le Barbier de Séville, La Bohème, Tosca, Roméo et Juliette. A l’affiche, les stars maison : Lily Pons en Rosine, Jussi Björling en Roméo, Leontyne Price en Tosca, captés sur le vif, sans le nettoyage technique mais aussi artistique du disque de studio. Dans La Bohème (1958), ce n’est pas le timbre défraîchi de Licia Albanese qui frappe, mais le ton vieux théâtre de Carlo Bergonzi, dont les disques officiels ont mieux vieilli. A l’inverse, dans Tosca (1962), Franco Corelli est plus flatté par le live, où ses sanglots sont moins surexposés. Avec Roméo et Juliette (1947), on remonte d’une génération. On retrouve John Brownlee, le premier Don Giovanni du disque (1934), Bidu Sayao, la petite Brésilienne à la voix de jeune fille façon cinéma d’avant-guerre, et le grand Björling, dont le style n’a pas vieilli mais dont le timbre sucré fait penser à Tino Rossi. Mais si vous avez encore besoin de vous persuader que l’interprétation - surtout en matière de chant - est un art de l’éphémère, allez tout droit au Barbier de Séville (1950). On a beau savoir que Rossini a été plus abîmé par les mauvaises traditions que le répertoire plus récent, entendre Giuseppe Di Stefano crooner et Lily Pons pépier est un plaisir pervers dont on aurait tort de se priver.

François Lafon

Rossini : Le Barbier de Séville - Gounod : Roméo et Juliette – Puccini : La Bohème, Tosca. The Metropolitan Opera, 4 albums de 2 CD Sony

mercredi 15 décembre 2010 à 11h24

Sibylline information : sur le site de l’Université d’Harvard (Massachusetts), Hélène Delavault ressuscite douze chansons liées à l’Affaire des Quatorze. Décryptage du message dans le Guardian (Londres) du 4 décembre, sous la plume de l’historien américain Robert Darnton. En 1749, le comte de Maurepas, ministre de Louis XV, tombe en disgrâce. La raison ? Des chansons. On recherche d’abord l’auteur d’un poème commençant par « Monstre n'avez pas la noire furie » (le monstre étant le roi). Un étudiant en médecine est embastillé, puis un prêtre, puis douze autres suspects. Ce sont eux, les Quatorze. L’auteur ne sera jamais retrouvé, mais cinq nouveaux poèmes tombent entre les mains de la police. Chantés sur des airs à la mode, comme cela se faisait à l’époque, les textes infâmants sont bientôt dans toutes les bouches. L’un d’eux « Réveillez-vous, belle endormeuse », concerne Madame de Pompadour, née Poisson, et fait partie de ce qu’on appelle les Poissonnades (en référence aux Mazarinades, un siècle plus tôt). Le poème en est apparemment galant :
" Par Vos nobles et franches Façons,
Iris, Vous enchantez nos cœurs.
Sur nos Pas Vous semez des fleurs,
Maïs ce sont des fleurs blanches"
Or les « fleurs blanches » évoquent la syphilis, et l’on soupçonne Monsieur de Maurepas d’en être l’auteur. La chanson responsable de l’arrestation des Quatorze, elle, est plus politique. Chaque ministre en prend pour son grade, et la sûreté des attaques indique que le responsable a ses entrées à la cour. Le texte est à géométrie variable, et s’allonge au gré de l’actualité : Darnton en a découvert neuf versions, d’une longueur de onze à vingt-trois versets. Deux siècles et demi avant Internet, dans une société où très peu de gens savent lire, c’est ainsi que le buzz court les rues. Retrouver les musiques sur lesquelles ces brûlots étaient chantés n’a pas été évident. « Sur l’air de La Béquille du père Barnabé », lit-on en haut d’un feuillet. Un travail de bénédictin a été indispensable, mené au département musique de la Bibliothèque Nationale. Hélène Delavault, qui fut la « Carmen de Peter Brook » et s’est fait une réputation dans des répertoires politiquement incorrects, distille ces perfidies avec un charme so french. Et dire qu’il faut aller jusqu’à Harvard pour la retrouver ! 

François Lafon


An Electronic Cabaret. Paris Street Songs 1748-1750. Hélène Delavault (mezzo-soprano), Claude Pavy (guitare). www.hup.harvard.edu/features/darpoe

Photo : Madame de Pompadour "ressuscitée" dans la série TV Doctor Who

dimanche 14 novembre 2010 à 10h40

Un pavé de trente-six CD, la totalité du legs du Samson François chez EMI, à l’occasion du quarantième anniversaire de sa mort. Des inédits - un 5ème Concerto de Prokofiev avec le jeune David Zinman en 1969, des Chopin de 1947 (78 tours), des pans jamais publiés des deux récitals à la salle Pleyel en 1964 - mais aussi tous les classiques qui n’ont jamais quitté les bacs : les Chopin, les Ravel, les Debussy, les Schumann, les Fauré. Une intégrale plus intégrale que le coffret du vingt-cinquième anniversaire, en 1995, avec, cette fois, un nettoyage du son qui contredit la mauvaise réputation d’EMI en la matière. Sur la couverture, Samson jeune, une photo bien connue : un pianiste de jazz dans un film de la Nouvelle vague, selon Alain Lompech dans le texte de présentation, ou encore le héros de La Côte sauvage, le roman culte de Jean-René Huguenin (1936-1962), dont François Mauriac disait : « Ce jeune vivant faisait déjà pour moi figure de revenant : il était le frère de ceux que j'avais aimés à vingt ans, pareil à eux, pareil à moi. Il les a rejoints. » Un éternel jeune homme, mort, usé, à quarante-six, ans, et qui n’a pas eu le temps de devenir un vieux pianiste de plus. Une légende française, aussi : Wilhelm Kempff s’extasiait sur lui, il allait jouer Prokofiev à New-York avec Leonard Bernstein, mais son aura n’a pas passé les frontières, et ses disques à peine. Un pianiste vintage, alors, et rien de plus ? Non, une bombe à retardement, un exemple à ne pas suivre, une incitation au désordre, et c’est pour cela qu’on l’écoute encore. Samson François était inégal (surtout à la fin), imprévu, ingérable. Impossible de le citer en exemple, de le donner comme référence, sauf, peut-être, dans la musique de fou qu’est le Concerto pour la main gauche de Ravel. Il aurait fait d’Au Clair de la lune une bande son pour Psychose d’Hitchcock. Il nous change des philologues, des bêtes à concours, des étoiles filantes, des produits discographiques sous cellophane. « Ma conception de la musique a toujours été plus ou moins sentimentale, » disait-il. Quel autre pianiste, sinon, dans un autre genre, Friedrich Gulda, conserve-t-il un tel parfum de fruit défendu ?

François Lafon

Samson François. L’Edition intégrale - 36 CD EMI 646106 2 7

«  Cela ne ressemble pas à l’alcool, ce n’est pas doré comme l’alcool, et pourtant, c’est de l’alcool ». Retournez le slogan de Canada Dry, et vous rendrez bankable les artistes classiques. C’est tout au moins ce que croient les éditeurs. Que le baryton Thomas Quasthoff chante le blues dans son  récital Tell it like it is, ce n’est pas un scoop : son Jazz Album a déjà fait un tabac il y a trois ans. Comme Renée Fleming (Sophisticated Ladies, aux côtés de Norah Jones et Diana Krall) et Anne Sophie von Otter (Love Songs  avec Brad Mehldau), il s’emploie à rendre sa voix méconnaissable, et y parvient assez bien. L’exercice est, si l’on ose dire, un classique : Eileen Farrell et Kiri Te Kanawa s’y sont essayées avant eux. 

On n’est pas non plus surpris d’entendre Nigel Kennedy jouer les Stéphane Grappelli de l’ère électro avec son Quintette (sax, piano, basse, vocal, percussions) augmenté de la voix de Boy George dans Shhh !, une musique mi-pop mi-rock écrite par lui-même et pour lui-même. Fiction, par le Quatuor Ebène, est plus symptomatique de la tendance. D’abord, le disque est né en France,  où le cross over n’est pas dans les mœurs. Ensuite, ce n’est pas un clin d’œil adressé à leur cher public par des artistes qui n’ont plus rien à prouver, puisque les Ebène, qui fêtent à cette occasion leur dixième anniversaire, n’en sont qu’à leur troisième CD chez Virgin.

Enfin l’on peut se demander si les standards et thèmes de films qu’ils ont choisis font bon ménage avec l’image a priori peu souriante du quatuor à cordes. Qu’ils réalisent là « le rêve d’un quatuor jouant et improvisant pour retrouver cette liberté propre à tous les musiciens classiques du passé », on n’en doute pas. Que les guest stars Luz Casal (Amado mio du film Gilda), Fanny Ardant (Lilac Wine, connu par Nina Simone) et Natalie Dessay (Over the rainbow, soixante-dix-ans après Judy Garland) contribuent au succès (international ?) du produit, on l’espère. L’avantage, pour ces pros venus d’ailleurs, c’est qu’on ne leur demande pas plus d’égaler les spécialistes du genre qu’on n’exige des artistes participant au Gala de l’Union de rivaliser avec les rois du cirque.

François Lafon

Shhh ! Nigel Kennedy Quintet -1 CD EMI 6 08502 2

Tell it like it is. Thomas Quastoff and musicians - Deutsche Grammophon 477 8614

Fiction. Quatuor Ebène and friends - Virgin Classics 5099962866804

mercredi 18 août 2010 à 09h56

Si l’on prend les initiales de Center for History and Analysis of Recorded Music (Centre d’Histoire et d’Analyse de la Musique Enregistrée), cela donne CHARM. Tout un programme ! Installé à Londres depuis 2004 et élaboré sous l’égide du King’s College, le CHARM part du principe que « même lorsque la musique existe sous la forme d’un texte écrit, les interprètes jouent un rôle essentiel dans l’expérience qui, pour la plupart des gens, est la musique elle-même ». Une manière de considérer l’interprétation comme un élément de la création. Cela ne plait pas à tout le monde, mais ne manque pas de bon sens, dans la mesure où un siècle d’archives sonores permet désormais d’apprécier l’évolution de l’interprétation, c’est à dire de la compréhension d’une œuvre. Les intitulés des quatre chantiers en cours sentent leur université : « Concert et enregistrement entre 1925 et 1932 », « Evolution de l’interprétation des Lieder de Schubert », « Analyse du motif dans l’interprétation », « Style, sens et interprétation des Mazurkas de Chopin ». Mais les conclusions, assistées et disséquées par ordinateur, s’adressent à un public plus large, dans la mesure où elles s’étendent, entre autres, aux significations sociales et culturelles révélées par l’interprétation et la manière dont celle-ci est reçue. Pour le commun des mélomanes, le site du CHARM propose près de cinq-mille enregistrements bien souvent indisponibles ailleurs, à écouter ou télécharger gratuitement. On découvre comment on chantait les Madrigaux de Byrd en 1923, comment John Barbirolli dirigeait Elgar à l’époque où les Variations Enigma étaient de la musique contemporaine, ou comment Mischa Spoliansky et le Julien Fuchs Symphony Orchestra faisaient swinguer la Rhapsody in Blue de Gershwin en 1927. De quoi  faire réfléchir ceux qui  croient encore qu’il existe des interprétations définitives des chefs-d’œuvre du répertoire.

François Lafon

jeudi 29 juillet 2010 à 10h16

Touchante vision que celle des Bénédictines de l’abbaye Notre-Dame de l’Annonciation de Barroux, dans le Vaucluse,  signant à travers les barreaux de leur clôture un contrat d’enregistrement avec Decca, en récompense de leur succès à un concours de chant grégorien féminin  auquel ont participé soixante-dix couvents du monde entier. « Au début, nous avons eu peur que cela remette en cause notre vie cloîtrée, explique la Mère supérieure. Nous en avons parlé à Saint Joseph dans nos prières, et elles ont été exaucées ». L’enregistrement s’est, paraît-il, passé normalement, si ce n’est que les techniciens n’ont pas eu le droit de pénétrer dans la chapelle quand les moniales y étaient. Le produit sera 100% bio : de vraies religieuses en prière, et dans leurs murs.  De quoi faire de la concurrence aux éternels Bénédictins de Solesmes, et surtout aux très tendance Cisterciens du Stift Heiligenkreuz, en Autriche (plus d’un million d’albums vendus). Art ou prière ? Toujours la même ambiguïté. Peut-on mettre en concurrence  l’ensemble Organum de Marcel Pérès et un chœur de clercs en pleine action de grâce ? Quelques (rares) critiques se refusent à le faire. Après tout, si les moines se laissent enregistrer, c’est qu’ils acceptent la règle du jeu. Au public, après cela, d’évaluer le degré de spiritualité dégagée par les uns et les autres.

François Lafon

Soulevé par le journaliste anglais Norman Lebrecht dans son blog Slipped disc, ce lièvre qui en dit long sur le désarroi des maisons de disques face à la crise : en septembre dernier, paraît chez Deutsche Grammophon un album  intitulé Exploring Machaut, réunissant le guitariste brésilien Milton Nascimento et les chanteuses de jazz Madeleine Peyroux et Jasmine Thomas. Du crossover pur et dur. Selon Robert Sadin, le concepteur et producteur du produit, il s’agit d’un hommage au célèbre disque The Art of Courtly Love, dû au pionnier de la musique médiévale David Munrow (1942-1976). Coût de l’enregistrement : 200 000 dollars. Ventes aux Etats-Unis : à peine 4 500 exemplaires. En Europe, diffusion minimale et escamotage de l’objet. Pour le peu qu’on en entend sur le site de DG, le résultat oscille entre le feu de camp post-Woodstock et les éliminatoires de la Nouvelle Star. Comme le dit Lebrecht : Art of courtly love ? Ni art ni amour. On pourrait ajouter : pas grand-chose de courtois non plus. Ecoutez, pourtant, les quatre plages disponibles sur le site en vous mettant dans la peau d’un producteur aux abois : dans le genre, il y en a eu de pires, et qui ont été des succès. C’est ça qui fait froid dans le dos. Aux dernières nouvelles, Chris Roberts, président d’Universal Classics and Jazz, est sur la touche. « Une chance historique pour DG », commente Lebrecht. Mais que reproche-t-on à Roberts ? Ses mauvaises affaires? Sûrement. Son mauvais goût ? C’est moins certain.

François Lafon

The Art of Courtly Love (Machaut, Binchois, Dufay). The Early Music Consort of London, David Munrow (dir.) – 1 CD Virgin Classics

mercredi 10 mars 2010 à 00h42
Grande polémique autour de l'album d' « inédits galactiques » de Jimi Hendrix intitulé Valleys of Neptune : fallait-il remixer et publier, quarante après la mort du musicien, des bandes qu'il aurait peut-être laissées au fond d'un tiroir, ou qu'il aurait retravaillées à sa manière ? Sur le site Rue 89, un internaute répond à ceux qui invoquent les mânes de l'artiste que « Kafka avait demandé à son exécuteur testamentaire Max Brod de détruire tous ses écrits après sa mort. C'est grâce à la désobéissance de Brod que nous sont parvenus Le Château et Le Procès ». Le problème est insoluble : Maria Callas avait interdit la publication de son enregistrement de « Mon cœur s'ouvre à ta voix » (Saint-Saëns, Samson et Dalila), qui est aujourd'hui considéré comme un grand moment de sa discographie. Plus récemment, le pianiste Krystian Zimerman a fait retirer des catalogues quelques-uns de ses plus beaux disques (les Valses de Chopin, les Ballades de Brahms). A-t-on eu raison de passer outre la volonté de Callas une fois qu'elle n'a plus été là ? Zimerman a-t-il tort de faire passer son jugement personnel avant la vox populi ? A-t-on par ailleurs le droit de confronter l'unique Sonate op.1 pour piano d'Alban Berg à ses Variations sur un thème original, une œuvre de jeunesse qu'il a vigoureusement reniée, ou de fouiller les poubelles de Verdi pour reconstituer une partition de Don Carlos qu'il a lui-même élaguée avant la première ? Le meilleur argument à plaider en faveur des tenants de la volonté de l'auteur pourrait bien être la rareté. Apprécierait-on autant Eschyle si l'on possédait les cent-dix pièces qu'il a écrites, au lieu de devoir se contenter des sept chefs-d'œuvre qui nous sont parvenus ? Il est vrai que dans ce cas, ce sont les siècles qui en ont décidé.
mercredi 18 novembre 2009 à 18h08
Sacré Nikolaus Harnoncourt ! Il a ravivé Bach, réactivé Monteverdi, secoué Mozart, passé Beethoven au karcher et Brahms à la tronçonneuse, sans jamais oublier de justifier sa démarche à coups d'arguments musicologiques savants. Il ne laissera pas partout un souvenir impérissable, mais il aura au moins alimenté le débat. Et puis quel bonheur (pervers, certes) de le voir se lancer dans des causes perdues sans se départir de son sérieux légendaire ! Sa Chauve-souris dépourvue de rubato (les autres avaient tort, même Clemens Krauss, même Karajan, même Carlos Kleiber), son Aïda façon Haendel sont déjà des collectors. Mais aujourd'hui, il bat ses propres records, avec un Porgy and Bess capté en public au festival de Graz. Au moment du concert, en février dernier, Operachic n'y allait pas quatre chemins, insinuant qu'il n'avait auparavant vu de Noirs qu'en livrée de chauffeur ou sous les traits de son Aïda, la Chilienne Christina Gallardo-Domas passée au brou de noix, et qu'il vivait là sa première collaboration avec des non-aryens. Sans céder à ces clichés pour le moins calomnieux, on attend néanmoins sa relecture avec curiosité. Gershwin, qui souffrait tant de ne pas être admis au panthéon des classiques, va peut-être enfin connaître la chance de sa vie posthume.

Porgy and Bess de George Gershwin. Solistes, Chœur Arnold Schoenberg, Orchestre de Chambre d'Europe, Nikolaus Harnoncourt (direction) – 3 CD RCA/BMG
mardi 10 novembre 2009 à 18h44
Sacrificium : voilà un titre aussi dangereux pour un disque que le serait « Relâche pour répétitions » ou « Four noir » pour une pièce de théâtre. C'est pourtant celui du nouvel album de Cecilia Bartoli, après un récital controversé, l'année dernière, consacré à au répertoire de Maria Malibran. Le sacrifice en question, c'est celui que l'on infligeait aux castrats, dans le but de préserver le cristal de leur voix. Comme il faut toujours frapper plus fort pour se faire entendre, on voit sur la pochette un corps d'homme pétrifié façon ruines de Pompéi, surmonté de la tête de notre diva. Goût douteux, mais effet garanti : comme elle ne peut pas s'identifier avec Farinelli comme elle l'avait fait avec la Malibran, la Bartoli donne dans le second degré. Cela ne l'empêche pas de chanter, selon son habitude, au premier degré, avec effets d'essoufflement pour indiquer qu'elle est émue, et vocalises gloussées pour nous rappeler qu'une portée de petites notes ne lui fait pas peur. Elle a – toujours selon son habitude – bien choisi les airs, escamotant habilement le fait que les castrats étaient plus souvent des sopranos que des altos.
Pour ceux qui préfèrent Cecilia à Cecilio, la diva annonce ses débuts dans Norma à Dortmund, fin juin 2010 en version de concert. Audaces Fortuna juvat, comme elle le dirait elle-même.
lundi 12 octobre 2009 à 15h06
Jean-Paul II l'a fait, pourquoi pas Benoît XVI ? Eh bien, ça y est : le pape sort un disque. Il ne chante pas, lui, il parle, mais trois musiciens se sont penchés sur les harmoniques de sa voix, qu'ils ont drapée d'un blanc manteau de grégorien revisité. Ces élus ont acquis une « renommée mondiale »,  pour reprendre les termes du producteur Vincent Messina,  dans la musique de film et la world music. Il faut ajouter que le premier (Stefano Mainetti) est catholique,  que le deuxième (Simon Boswell) « ne se réclame d'aucune religion » (même source), et que le troisième (Nour Eddine) est musulman. Bien vu, tout ça. Bon, il ne s'agit pas de fers de lance de l'avant-garde (si tant est que ce mot ait encore un sens). On n'imagine pas le Saint Père atteignant l'harmonie céleste sous la houlette de Brian Ferneyough ou Bruno Mantovani. Reste à vérifier si Nostradamus a prédit que le successeur de Pierre deviendrait une rock star.
 

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