Dans Alger sans Mozart de Michel Canesi et Jamil Rahmani, le duo de romanciers qui a inspiré à André Téchiné son film Les Témoins, quelques personnages emblématiques incarnent le « ni avec toi ni sans toi » qui caractérise les rapports entre la France et l’Algérie, cinquante ans après la déclaration d’indépendance. Révélateur de l’éloignement des deux pays : la culture en général et le cinéma en particulier (un des personnages-clés est cinéaste). Le livre pourrait s’appeler Alger sans Camus, ou Alger sans Truffaut. Mais assassiner Mozart l’universel, c’est plus fort. Sofiane, le jeune Algérien tourné vers l’avenir : « Pour finir, elle a mis son compositeur préféré, Mozart, celui qu’elle écoute tous les soirs et qui me réveille parfois quand elle laisse ses fenêtres ouvertes. J’aime pas trop, c’est une musique de vieux, ça va pas assez vite » (p. 115). Louise, l’Algéroise restée au pays : « Ils voulaient interdire le cinéma, la danse, le théâtre, la télévision, la musique, les parfums, les bijoux, nous imposer un deuil éternel. Tu imagines une vie réduite à quatre murs, aux odeurs de cuisine et de ménage ? Tu imagines Alger sans Mozart ? » (p. 225). Sofiane à Louise : « C’est beau ! Qu’est ce que c’est ? » ; Louise : « Mozart, justement : Cosi fan tutte… Quand tu seras grand, je t’expliquerai ce que ça veut dire. » (p.151). Le livre est édité par Naïve, le label de disques. En 2010, l’Algérie et la Chine ont signé un protocole d’accord pour la réalisation d’un nouvel opéra, l’Opéra municipal (1853) étant dévolu au répertoire dramatique local. On pourrait l’inaugurer avec L’Enlèvement au sérail.
François Lafon
Canesi et Rahmani : Alger sans Mozart. 400 p., 18 €