Au Théâtre de l’Athénée, troisième étape du cycle Tchékhov mis en scène par Christian Benedetti et son Studio Théâtre d’Alfortville : Trois Sœurs. Question de rythme, remarquait-on à propos d’Oncle Vania et de La Mouette (voir ici). Question de tempo aussi, et de pulsation, plus sensibles encore dans ce chef-d’œuvre dur, mettant en scène des personnages plus anonymes, plus communs que les deux autres. Question de rythme (temps fort et faibles, intensité, durée) confrontant l’idéal des trois Sœurs (« Moscou! nous serons heureuses ») au renoncement des autres. Mais mené à un tempo de jazz-rock (140 battements de cœur par minute), ce rythme qui pourrait s’y épuiser, voire s’y aplatir, s’exaspère au contraire, d’autant qu’il est brisé par des silences, comme des arrêts sur image, quand un mot, une pensée, un regard grippe la machine. Et pourtant la pièce file droit, mue par une pulsation soutenue, comme un train roulant vers l’abîme. Pas étonnant que pour trouver le rythme et le tempo de son opéra Trois Sœurs (1998), le compositeur Peter Eötvös n’ait eu de cesse de déconstruire ce fabuleux édifice théâtro-musical, si souvent noyé dans ce qu’on appelle la « petite musique de Tchékhov » (et la lenteur qui va avec), mais qui, ici, est si évident.
François Lafon
Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 14 février. Tournée jusqu’en avril, en diptyque ou triptyque avec Oncle Vania et La Mouette Photo © Roxane Kasperski