Mercredi 24 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Saintes 1 : Journée d’ouverture
lundi 17 juillet 2017 à 17h01
Depuis la création du Festival, au tournant des années soixante-dix, par le journaliste et visionnaire Alain Pacquier dans une Abbaye-aux-Dames alors en ruines, Saintes a acquis ses lettres de noblesse dans la défense et l’illustration de la musique ancienne sous la houlette de pionniers comme Jean-Claude Malgoire et Jordi Savall. À la suite du chef de chœur (et aujourd’hui chef d’orchestre) Philippe Herreweghe (1981-1996), Stephan Maciejewski, son directeur artistique depuis 2002 – un ancien chanteur des Arts Flo’ puis de la Chapelle Royale d’Herreweghe – a cherché à étendre la programmation à la musique contemporaine et aux musiques du monde, afin de capter d’autres publics tout en renouvelant celui de la musique ancienne. Cette volonté était parfaitement illustrée par la journée d’ouverture, qui mettait en avant la jeune génération avec le ténor Reinoud van Mechelen, suivi le soir-même de l’ensemble Doulce Mémoire, créé il y a plus de vingt-cinq ans. Surprises et clins d’œil, tout d’abord, avec le jeune ténor Bruxellois, repéré par William Christie pour son « Jardin des voix », en 2011, avec une spirituelle « sérénade burlesque », associant musiciens d’envergure (Marais et Rameau) et petits maîtres français particulièrement bien choisis : Nicolas Racot de Granval (1675-1753) et Laurent Gervais (1670-1740). Du premier, on goûtait la dérision plaisante de sa cantate Rien du tout, du second, L’hiver et surtout sa Sérénade burlesque Ragotin, narrant les mésaventures d’un nain bouffon. Aussi éclectique que dans son premier album solo « Erbarme dich », qui enchaînait plusieurs fragments d’œuvres de Bach dont des airs de cantates (voir ici), le chanteur et son ensemble A Nocte Temporis allie clarté vocale et sens du théâtre, indispensables dans un tel répertoire – seul bémol, l’acoustique délicate de l’Abbaye ne restituait que partiellement le jeu instrumental… Le soir, en revanche, aucun problème d’écoute avec les fastes du « Camp du drap d’or, Messe pour la Paix (1520) » réinventés par Denis Raisin Dadre et la quinzaine d’interprètes de Doulce Mémoire. Le chef, également à la bombarde, doulçaine et flûte, n’a décidément pas son pareil – hormis Jordi Savall, bien sûr ! –, pour recréer des événements du passé. Issus de la tribune puis répartis sur scène, Doulce Mémoire et son récitant Philippe Vallepin invitent un public captivé à la légendaire rencontre diplomatique qui eut lieu en 1520 entre Henri VIII et François 1er. De Jean Mouton à Nicholas Ludford, de Claudin de Sermisy à Claude Gervaise : Maîtres de chapelle et musiciens anglais et français accompagnèrent leurs suzerains lors d’une grande messe célébrée dans une chapelle en bois couverte de tapisseries et édifiées pour l’occasion. Voix exceptionnelles – Anne Delafosse, Clara Coutouly, Paulin Bündgen, Hugues Primard, Vincent Bouchot et Martial Pauliat –, dirigées par la basse Marc Busnel et sonneries enthousiastes du cornet à bouquin, des bombardes et  des sacqueboutes : somptueuse Abbaye-aux-Dames sous l’étendard de Doulce Mémoire… qui aura éclipsé le feu d’artifice du 14 juillet.            
Franck Mallet
 
Festival de Saintes 2017, jusqu’au 22 juillet (Photo : Doulce Mémoire©Michel Garnier)

 

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