Samedi 20 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Murakami-Janacek, effets secondaires
lundi 29 août 2011 à 10h14

« La radio du taxi diffusait une émission de musique classique en stéréo. C'était la Sinfonietta de Janacek. Etait-ce un morceau approprié quand on est coincé dans des embouteillages ? Ce serait trop dire. D'ailleurs, le chauffeur lui-même ne semblait pas y prêter une oreille attentive. » Ainsi commence 1Q84 (en référence à 1984 de George Orwell, « Q » et « 9 » se prononçant de la même façon en japonais), le roman de Haruki Murakami en trois tomes, dont les deux premiers viennent de sortir en France. Résultat au Japon : 12 000 CD de la Sinfonietta vendus en un mois, rush sur les téléchargements de sonneries de téléphone portable, passages en boucle dans les restaurants à la mode, etc. En 2005, à la sortie du roman Kafka sur le rivage, Schubert, Beethoven, Radiohead et Kafka avaient déjà, dans une moindre mesure, bénéficié de l’aubaine. Car l’effet Murakami ne s’applique pas qu’à la musique : 1984 d’Orwell bien sûr, mais aussi L’Ile de Sakhaline de Tchékhov, qui a son importance dans le roman, se retrouvent parmi les best-sellers. « La musique est très présente quand j'écris. J'ai autour de moi 10.000 vinyles environ. La majeure partie sont des disques de jazz et, pour le reste, de la musique classique. Les CD ne m'intéressent pas vraiment. Les enceintes sont d'immenses modèles JBL très anciens (cela fait trente-cinq ans que je n'utilise qu'elles). Le matin, je me lève à 4 heures, puis je m'installe à mon ordinateur tout en écoutant de la musique à faible volume. Sur les murs se trouvent des peintures à l'huile représentant Clifford Brown et Lester Young, ainsi qu'un vieux poster de Glenn Gould », explique Murakami à Didier Jacob dans son blog Rebuts de presse. « J'ai écrit les livres 1 et 2 en ayant en tête les cycles 1 et 2 du Clavier bien tempéré de Bach. J'ai construit chacun des douze chapitres en mode mineur et majeur. ». L’histoire ne dit pas si Le Clavier bien tempéré est devenu un tube au Japon. Elle ne présume pas non plus du succès en France de ce roman fleuve dont les ventes ont dépassé celles d’Harry Potter dans son pays d’origine. Les fans occidentaux de Murakami savent bien que le rôle de la musique n’a rien d’anecdotique dans ses oeuvres. La Sinfonietta elle-même… Mais chut ! Ecoutez-la d’abord, et si ça vous chante, lisez le livre.

François Lafon

1Q84, de Hariti Murakami. Traduit du japonais par Hélène Morita. Belfond, 2 vol., 23 € chacun.
Janacek : Sinfonietta. Orchestre Philharmonique Tchèque, Karel Ancerl (dir.) – 1 CD Supraphon

 

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