Robert Hossein a de quoi être fier : au Wolf Trap, un centre de spectacles en pleine nature à quelques miles de Washington, le metteur en scène James Marvel lui a emprunté l’idée de faire voter le public. Cette fois, il ne s’agit pas de se demander si Gaston Dominici est innocent ou si Marie-Antoinette mérite la guillotine, mais si Zaide, le singspiel inachevé de Mozart, doit se terminer bien ou mal. Si l’on n’écoute que la musique, cette histoire d’esclaves chrétiens en terre musulmane - dans laquelle on a vu un brouillon de L’Enlèvement au sérail – s’arrête au moment où le sultan condamne les captifs pour avoir voulu s’évader. Mais le livret - ou tout au moins ce qu’on croit en savoir - ménage un coup de théâtre façon « croix de ma mère », qui amène le potentat à libérer tout le monde. C’est à l’entracte que les spectateurs doivent trancher. Le contexte n’est pas innocent : il s’agit moins d’être - ou non - fidèle à l’esprit des Lumières en optant pour la clémence, comme dans L’Enlèvement au sérail, que de décider si l’on juge l’Islam capable de mansuétude vis-à-vis de l’Occident chrétien. Quatre représentations sont prévues : l’Amérique profonde n’a plus qu’à parler. Dans sa mise en scène de Zaide, créée à Vienne et donnée il y a deux ans au festival d’Aix-en-Provence, l’Américain Peter Sellars ne tranchait pas. Et pourtant, Sellars est connu pour être un incorrigible idéaliste.
François Lafon
Zaide, de Mozart. Gary Thor Wedow (direction). Wolf Trap Opera, les 11, 13, 15, 19 juin. www.wolftrap.org.