Réédition en DVD du Mahler de Ken Russell (1974), avec dans le rôle-titre Robert Powell, plus convaincant en génie tyrannique qu’en messie sulpicien (Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli - 1977). Un film moins laborieux que The Music Lovers (1970 – voir ici), moins destructuré que Lisztomania (1975), plutôt dans la lignée d’un Debussy réalisé pour la BBC en 1965, où le cinéaste prenait déjà une distance ironique (britannique ?) avec son sujet. Avec Mahler, il a beau jeu de mêler l’idéal et le trivial, le vacarme et le silence, Beethoven et Freud, et de jouer du montage et de la chronologie pour tenter d’entrer dans la tête du compositeur tout en évoquant sa vie. Le livret de présentation est tout entier occupé par un long et remarquable texte de Christian Wasselin (connu pour ses travaux sur Berlioz, une autre forme d’exaltation), guide utile pour suivre ce jeu de yoyo entre les abysses et les étoiles, où l’on voit Mahler effectuant en train (Russell aimait les trains, lieux de confinement à tombeau ouvert - voir Music Lovers) un dernier voyage ponctué de visions et de réminiscences. Wasselin ne manque pas de noter la manière dont Russell traite Alma, non plus égérie mais petite femme aux prétentions artistiques étouffées par son irascible époux. A mettre en parallèle avec la scène choc du film, traitée comme un burlesque du cinéma muet, où le compositeur portant l’étoile de David comme un fardeau l’empêchant d’accéder à la direction de l’Opéra de Vienne se fait convertir façon Nuit des Longs Couteaux par une Cosima Wagner en cuir, latex et casque de la Wehrmacht. Au-delà d’une vision peu amène de la femme dans tous ses états, la signature de ce cinéaste qui maniait le kitsch comme une arme de poing et l’hystérie comme un révélateur de (mauvais ?) goût.
François Lafon
Mahler, de Ken Russell, 1 DVD Doriane Films, collection « Typiquement british »