Retour sur L’Anti-Wagner sans peine, paru en septembre dernier aux Presses Universitaires de France. L’auteur, Pierre-René Serna, sait ce qu’idolâtrer veut dire : il est lui-même un chantre de la cause berliozienne, et fait partie de ceux qui regrettent amèrement que le compositeur des Troyens ne suscite pas – en France tout au moins – la même dévotion que celui de Tannhäuser. Son Anti-Wagner est d’ailleurs une sorte de Pro-Berlioz inversé : si l’oeuvre et la personnalité du Français étaient aussi polémiques que celles de l’Allemand, celui-là aurait peut-être entraîné autant d’amour, autant de haine, bref, autant de buzz. Avec une candeur calculée et un esprit de contradiction éprouvé, Serna repasse donc tous les plats, même les plus faisandés, cuisinés depuis un siècle et demi par les ennemis ontologiques et les amoureux déçus de la musique de l’avenir : antisémitisme, boursouflure, fatras, nazisme, longueur, pangermanisme, végétarisme, etc. Ce faisant, il court au casse-pipe, et le sachant, ouvre quelques parachutes, rappelant qu’un peu de mauvaise foi est nécessaire dans la composition d’un antidote efficace à un poison aussi puissant. Dans sa postface, il évoque son peu de goût pour Verdi, l’autre bicentenarisé de l’année. Mais un Anti-Verdi sans peine aurait été moins alléchant.
François Lafon
L’Anti-Wagner sans peine, de Pierre-René Serna. PUF, 88 p., 9,50 €