Acclamations dans la presse, tohu-bohu sur Internet : l’organiste Jean Guillou refuse la Légion d’honneur. On cite ses prédécesseurs (Littré, Sartre et Beauvoir, les époux Curie, mais aussi Geneviève de Fontenay, Brigitte Bardot et Léo Ferré), on rappelle quelques bons mots (Satie : « Ravel refuse la Légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte »). Guillou, qui ne se sent pas prophète en son pays (la liste de ses pairs en la matière serait, elle aussi, très longue) et entretient sa réputation de mauvais coucheur, en profite pour rappeler qu’il attend toujours un financement pour la construction de son orgue à structure variable (OSV), doté de quinze buffets amovibles, tout en déplorant la place de moins en moins grande accordée aux musiciens classiques, à l’heure où la Villa Médicis elle-même préfère accueillir des artistes commerciaux plutôt que des chercheurs. Bref, l’organiste de Saint Eustache prend la relève de Laurent Terzieff quant à l’éthique du métier d’artiste. Mais Terzieff, qui répondait « Personne ne me doit rien, alors je prends ce qu’on me donne » à qui s’étonnait de la maigreur des subventions allouées à sa Compagnie, avait accepté, lui, d’être Officier de l’Ordre National du Mérite et Commandeur des Arts et Lettres. Il avait dû méditer un autre bon mot de Satie, colporté par Jean Cocteau : « Il ne suffit pas de refuser la Légion d’honneur, encore faut-il ne l’avoir pas méritée ».
François Lafon