Parution en coffret de cinq CD des enregistrements du violoniste Ivry Gitlis pour Decca (1966-1995). Traits de génie et dérapages inspirés, jeu intemporel et documents d’un autre temps : une photographie non retouchée de cet artiste déconcertant (sans jeu de mot), que l’on voit encore - à quatre-vingt-onze ans - dans les salles de concert au milieu d’une nuée de jeunes artistes, que l’on a beaucoup vu au Grand Echiquier de Jacques Chancel, dont il était l’invité récurrent en compagnie sœurs Labèque et d’Alexis Weissenberg. Musts du coffret : les Paganini (Caprices, Concertos), le Concerto « à la mémoire d’un ange » de Berg, enregistré en 1967 avec l’Orchestre National de l’ORTF, mais aussi les Danses roumaines de Bartok et, pour les fans, les Concertos de Wieniawski et le Double de Brahms, avec Maurice Gendron au violoncelle sous la baguette du jeune Michel Tabachnik (1971). Du Concours Thibaud, dont il n’a reporté que le 5ème prix en 1951, ce Protée de la musique, étranger à tout plan de carrière, élève d’Enesco au Conservatoire de Paris, parrainé aux Etats-Unis par George Szell et Eugene Ormandy mais aussi partenaire des Rolling Stones et de John Lennon, ambassadeur permanent de l’Unesco et acteur occasionnel de cinéma (avec Truffaut et Schlöndorf), ne manque jamais de dire : « Je ne l’ai pas raté, c’est lui qui m’a raté ». Une seule répartie pour définir ce bien nommé « bon homme de passage » (git en yiddish, Ivry en hébreux).
François Lafon
Ivry Gitlis, Portrait. Un coffret de 5 CD Decca