Vendredi 29 mars 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Haendel, businessman et musicien
mercredi 30 décembre 2009 à 15h19
Avec un businessman comme Haendel, l'économiste américain Paul Solman est dans son élément. Interview sur la chaîne publique de télévision américaine PBS, à propos de l'increvable hit qu'est Le Messie : « Le Messie et l'agent, c'est une vieille histoire. D'ailleurs, Haendel, en allemand, signifie « marché ». Dans son ouvrage sur la musique classique Quarter Notes on banknotes, le professeur à Harvard Mike Scherer rappelle que l'opéra a été pour lui une manière de s'affranchir économiquement de la noblesse et du clergé. Pour écrire son opéra Rinaldo, Haendel fait valider un salaire de base de 200 livres. L'ouvrage remporte un triomphe : le lendemain, il pèse de 500 à 600 livres, l'équivalent de 800 000 livres d'aujourd'hui, ou d'un peu plus d'un million de dollars. Mais l'opéra est cher. Il faut payer les décors, les costumes, et surtout les stars internationales que sont les divas et les castrats. Handel trouve alors la solution : l'oratorio. Plus de décors, plus de costumes, plus de divas hors de prix, mais des chanteurs anglais, rémunérés au prix du marché. Le Messie est un parfait produit d'appel. C'est là qu'entre en scène la South Sea Company, destinée à renflouer les caisses de la couronne, et que l'on a accusée d'avoir assuré le transport des esclaves africains vers les colonies anglaises. Une bulle se forme, explose, les investisseurs boivent le bouillon. Haendel, à l'image d'Isaac Newton et de la haute société qu'il fréquente, a vu le coup venir, et déjà récupéré son argent. Cinq ans après, la Compagnie se réorganise, soutenue par l'équivalent de l'actuelle Fed (Réserve Fédérale des Etats-Unis), et lance des obligations à 3 ou 5%, garanties par le gouvernement. Haendel a compris que les obligations sont plus sûres que les actions. Il réinvestit et gagne. Le succès de ses oratorios, Le Messie en tête, fait le reste. Quand il meurt, il laisse une fortune de 20 000 livres, ce qui pour l'époque est énorme ». Choquant, ce mélange d'art et de business ? Pas dans le cas de Haendel, dont l'oeuvre elle-même est un modèle économique autant qu'un produit culturel. La méthode s'appliquerait moins bien à Mozart ou à Berlioz. On aimerait bien, en revanche, voir Paul Solman se pencher sur le cas de Haydn, de Vivaldi ou de Verdi. Et l'art dans tout cela ? Voilà un mot qui, dans le dictionnaire, sera bientôt précédé de la mention : « désuet ».
 

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