Disparition le 2 juillet de Dominique Jameux, à soixante-seize ans. Trente-six ans durant, sa voix posée, son ton didactique ont donné le « la » - admiré et décrié - de France Musique. Etrange coïncidence, à l’heure où le pourquoi et le comment de la chaîne sont plus que jamais en question. Limogé en 2008, il avait repris la plume : un essai (Radio) aux arrière-plans de règlement de compte, une réflexion sur l’opéra (Eros et le pouvoir), une évocation de Chopin (Chopin ou la fureur de soi), où l’on retrouve sa façon parlée d’écrire sur des sujets compliqués, lointains échos de ses lapidaires Richard Strauss (Seuil – 1971) et Alban Berg (idem – 1980) ou de son Ecole de Vienne (Fayard – 2002). Le temps n’était plus aux brillantes dissertations de la revue Musique en jeu (1970-1978), où, boulézien militant et entouré de la fine fleur de l’avant-garde de l’époque, il adaptait à la France un discours sur la musique auquel elle n’était pas habituée. Il n’était plus non plus aux querelles érudites, telle cette altercation publique - dans le Saint des saints de l’Ircam - avec Boulez et Patrice Chéreau à propos du bien-fondé de la transposition par ce dernier dans les années 1930 de l’intrigue Belle-époque de l’opéra Lulu. Dominique Jameux appartenait à un monde où l’on croyait encore que l’Art était au-dessus des contingences. Il aura peut-être échappé au pire.
François Lafon