Jeudi 18 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Dies irae : un leitmotiv de cinéma
jeudi 2 juin 2011 à 20h25

Faut-il aller voir Pirates des Caraïbes 4 ? Pas vraiment : dans sa version en simple “2D”, ce blockbuster est assez pénible à regarder, et on ne voit pas ce que la version en 3D sortie en même temps peut apporter sauf peut-être la sensation de plonger dans le décolleté généreux de Penélope Cruz, la vedette féminine. Dirigé très poussivement par Rob Marshall, cet avatar des aventures de Jack Sparrow (Johnny Depp, en roue libre) n’a même pas l’humour truculent qui sauvait les trois précédents volets mis en scène par Gore Verbinski. La bande son est à l’avenant : une partition tonitruante comme Hans Zimmer sait bien les composer. Un seul moment dans le film retient pourtant l’oreille : quand le très catholique Roi d’Espagne, sous les traits d’un beau brun ténébreux comme il se doit (depuis le XVIè siècle tous les monarques espagnols sont plutôt blonds aux yeux bleus, mais on aura compris que l’exactitude historique n’est pas vraiment le souci du scénario) arrive en personne pour détruire la Fontaine de l’Eternelle Jouvence (que par ailleurs tout le monde cherche, vous suivez encore ?), on entend très nettement les notes du “Dies Irae”, partie essentielle de la Messe des Morts médiévale, tout comme dans le Sabbat de la Symphonie fantastique de Berlioz. Hans Zimmer (allemand, et pas américain) aime ce genre de clin d’oeil : déjà dans sa partition pour Gladiator de Ridley Scott, au moment où Russell Crowe se sent condamné, il avait introduit presque note par note le thème de la mort du héros du Ring de Wagner. Difficile d’échapper à une petite interprétation théologique de ce nouveau clin d’oeil. D’autant plus que le scénario de Pirates des Caraïbes 4 tourne lourdement autour du thème de la rédemption, et qu’on y voit même un pasteur protestant (incarné, lui, par un blond bien anglo-saxon passé par une salle de gym) essayer de sauver l’âme d’une sirène. Pourquoi alors associer le Roi catholique au “Dies Irae” : pour le désigner comme l’instrument de Dieu (il vient après tout détruire la Fontaine au motif qu’il s’agit d’un instrument païen) ou au contraire pour souligner le danger mortel que les catholiques représentent ? Presque millénaire, le “Dies Irae” est en train de devenir un lieu  commun de la musique de film : Stanley Kubrick ouvrait déjà The Shining avec ce même thème, joué aux synthés par Wendy Carlos, avec un effet terrifiant et solennel. Mais là on parle de vrai cinéma...

 

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