Caméléon de la pop autoproclamé, David Bowie, 69 ans, aura été l'un des musiciens qui ont le plus épousé leur époque. Tout d’abord mime sous la houlette de Lindsay Kemp, puis chanteur de variété à partir du milieu des années soixante (Images) avant de virer rock, il a autant suivi les modes qu'il les a accompagnés, puis rattrapés, pour finalement les squeezer et les précéder - d'où ces personnages ambigus catalyseurs d’univers fantastiques, du psychédélique Major Tom (Space Odity) au tueur horrifique Nathan Adler (Outside), en passant par Ziggy Stardust, Aladdin Sane, le monstre orwellien de Diamond Dogs ou encore le Thin White Duke de Station to Station, qu'il a su orchestrer différemment à chaque fois en musique et en espace. Comédien (plutôt bon), il a autant joué du mystère à l’écran et sur les planches, endossant des rôles d’extra-terrestre (The Man Who Fell To Earth), de gigolo (Just a Gigolo), de phénomène de foire (Elephant Man), de vagabond (Baal), de vampire (Les Prédateurs), d’officier britannique (Furyo), de revenant (Twin Peaks), de tyran (Ponce Pilate dans La dernière tentation du Christ !) ou bien d’icône de l’art – Warhol dans Basquiat... Philip Glass a rendu hommage à son talent novateur en arrangeant pour orchestre deux de ses meilleurs albums (Low, Heroes). Et quand il en eu assez de vouloir être au goût du jour, pour plaire aux plus jeunes, donc, il a su explorer des styles où peu d’artistes rock s’essayent, mêlant expérimentations, hasard et minimalisme en s’associant à Brian Eno, le créateur de Discreet Music et autre Music for Airports,ainsi qu’aux six jazzmen avec lesquels fut concocté Blackstar, son dernier opus, sorti deux jours avant sa disparition. « Merci pour nos bons moments, Brian. Ils ne disparaîtront jamais » avait-il écrit par mail à Eno, la semaine dernière. Merci à toi, David.
Franck Mallet
Photo : Furyo de Nagisha Oshima © DR