Sourire léger, regard franc, la tête sous une perruque et dans la main droite une partition : le visage de Bach est devenu familier grâce aux reproductions de ce portrait, le seul réalisé du vivant du compositeur. Oeuvre d’Elias Gottlob Haussmann, le tableau a connu bien des péripéties : reçu en héritage par le cadet des fils Bach, Carl Philip Emmanuel, puis vendu aux enchères au début du XIX siècle, pendant la Deuxième guerre mondiale, il fait un petit détour en Angleterre où son propriétaire le dépose chez les Gardiner pour le protéger des nazis : le petit John Eliot a grandi sous ce regard. Le tableau sera finalement racheté par William H. Scheide et pendant plus de cinquante ans, il trônera dans son salon. Ce n’était pas simplement un objet décoratif mais la pièce centrale de l’immense collection de ce philanthrope et musicologue américain, spécialiste du Cantor et qui, avant sa mort en novembre 2014, avait voulu que le portrait soit légué à l’Archive Bach de Leipzig. C’est chose faite depuis le 29 avril quand la ville allemande en a pris officiellement possession (pour être précis, il s’agit de la deuxième version du tableau, mais la première, déjà à Leipzig, est trop abîmée). Présenté au public le 12 juin prochain (par John Eliot Gardiner himself), il sera exposé ensuite de manière permanente au sein de la collection de l’Archive. Jean-Sébastien, enfin chez lui en paix, en aurait peut-être souri d’ironie : Leipzig n’a pas été précisément un havre de paix pour le compositeur, victime d’une administration municipale tatillonne et pingre qui se rachète bien aujourd’hui en rendant hommage à son icône.
Pablo Galonce
Photo: © Bach Archiv Leipzig