Aux Bouffes du Nord dans la série « Maestro and Kids » : master-class et concert de Viktoria Mullova. « Votre Paganini est excellent, je n’ai rien à dire. Ah si : ne jouez surtout pas Bach de la même manière ». « Pensez que le Bach est une langue qui se parle : posez les questions, attendez les réponses, aidez-vous du contrepoint, soyez libres ». « Dans la musique baroque et classique, résistez au romantisme ». Métamorphose presque immédiate du jeune Coréen Da-Min Kim, un peu moins évidente du non moins jeune et très virtuose Chinois Chi Li. Une conseillère plutôt qu’un maître, en rien une show-woman. Concert avec le pianofortiste Paolo Giacometti : trois sonates de Beethoven (n° 4, n° 5 « Le Printemps », n° 9 « A Kreutzer »). Mullova joue, comme elle le fait dans Mozart et Vivaldi, un violon monté en boyau : « Je ne crois pas, après y avoir goûté, pouvoir jamais rejouer Beethoven avec des cordes en métal ». Visage austère, technique transcendante, style dépouillé. Une certaine raideur aussi, tempérée par les phrasés souples de Giacometti. Elle met exactement en œuvre les conseils qu’elle donnait, deux heures plus tôt, aux « Kids ». Jusque dans Beethoven, elle résiste au romantisme. Enfin pas tout à fait : sous ses dehors hautains, elle sait étonnement en restituer le feu et le miel.
François Lafon