Premier volet, pour le 70ème anniversaire du festival de Montreux-Vevey, du doublé Rameau - Purcell par Teodor Currentzis et son ensemble MusicAeterna : "Rameau, le son et la lumière". Un best of diablement agencé, à voir autant qu’à entendre, de la pénombre (Pièces de clavecin en concert) au plein feu (l'Orage des Indes galantes). Orchestre fourni – comme l’aimait le compositeur – occupant la (trop ?) vaste estrade du non moins vaste Auditorium Stravinski, solistes itinérants, soprano aux allures (pas la voix, hélas !) de la regrettée Lorraine Hunt (la Callas du baroque), violons assis-debout, tous dominés par la silhouette interminable du chef, faune paganinien mimant la musique et déchaînant des tempêtes : Rameau homme de théâtre même quand il n’écrivait pas (encore) pour le théâtre. Public ravi, comme étonné de retrouver la chair fraîche sous la poudre de riz, fasciné par ce chef à la fois rock’n’roll et à l’ancienne, en ce qu’il tire la couverture à lui comme on n’ose plus le faire depuis Mengelberg ou Toscanini. Défaut de leurs qualités : le maestro et ses musiciens (russes, de Perm, ex-Molotov) soulignent et surlignent, décrivent au lieu de suggérer, dessinent une fleur là où - en bon classique - Rameau expérimente l’idée de la fleur appliquée aux sens de l’auditeur. « La musique de Rameau (…) va droit au cœur, de la même façon que le soleil traverse l’espace noir infini de l’univers avant de parvenir à l’œil de l’homme », commente Currentzis. Sans brimer son explosive personnalité, que ne cultive-t-il davantage ce très ramiste jeu d’optique… Second volet du doublé, demain à Genève : The Indian Queen de Purcell.
François Lafon
Festival de musique classique Montreux-Vevey - http://www.septmus.ch/fr Photo © DR