Il est des metteurs en scènes qui, angoissés par le vide, l’accusent ou au contraire cherchent à tout prix à le combler par des mouvements de foule, la mise sur le ventre de chanteurs et autres performances plus ou moins inspirées. Pour La Clémence de Titus, Denis Podalydès tourne le dos à ces modes, conçoit une mise en scène classique au sens le plus noble du terme, lisible, élégante, un écrin idéal pour cet opéra sérieux et éminemment politique, sous-estimé pour avoir été prétendument bâclé entre deux chefs d’œuvres (La Flûte et le Requiem). Sa direction d’acteurs met en valeur l’épaisseur dramatique des protagonistes ici servis par des interprètes exemplaires par la technique, la clarté de la diction et le sens dramatique. Tous... à l’exception d’un Titus qui ne craint rien, pas même la posture du ténor trompétant et fébrile, au service d’un empereur pourtant clément par contrition et non par générosité, homme plein de doutes, mû par les appeaux du pouvoir et la libido (il n’est pas précisé si toute ressemblance avec un ou des régnants actuels est fortuite). Qu’importe, cette Clémence et ses sommets resteront dans les mémoires. Kate Lindsay (Sextus) et Karina Gauvin (Vitella), en particulier, ont suspendu le souffle d’un auditoire toussotant, la première dans le Parto, parto de l’acte I (en dialogue avec la clarinette) et seconde dans le Non piu di fiori de l’acte II (en dialogue avec le cor de basset). Les trois autres interprètes principaux (Julie Fuchs, Julie Bouliane et Robert Gleadow), Jérémie Rohrer, le Cercle de l’Harmonie et l’ensemble vocal Aedes ont été justement salués (contrairement à Denis Podalydès qui a été hué à cette première, ce qui peut être pris pour un compliment) pour la beauté, la tension et la cohérence de cette Clémence.
Albéric Lagier
Théâtre des Champs-Élysées,10, 12, 14 16, 18 décembre 2014. Sur France Musique le 27 décembre Photo © DR