Jouer dans un même concert du pianoforte et du piano moderne, pourquoi pas ? Cela se pratique assez couramment, avec des œuvres de la même époque, c’est-à-dire de la fin XVIIIème, ou d’époques très différentes. Dans le cadre des Journées romantiques qui ont lieu sur la Péniche Anako amarrée dans le bassin de la Villette à Paris, Daniel Isoir et Michel Benhaïem ont interprété la transcription pour piano à quatre mains, du Sacre du Printemps de Stravinski, réalisée par le compositeur lui-même. Ce dernier ne chercha pas tant à reproduire au piano les timbres de l’orchestre, ce que pourtant en certains passages il réussit brillamment, qu’à en mettre en valeur les possibilités harmoniques et percussives. L’œuvre est d’une force telle que l’auditeur reconstitue aisément. Avant Stravinsky, Carl Philipp Emanuel Bach et Mozart étaient prévus au programme avec une des très capricieuses fantaisies du premier et la vaste sonate pour quatre mains en fa majeur KV 497 du second. Elle aurait pu faire contrepoids au Sacre, mais elle fut remplacée par les plutôt sages variations en sol majeur KV 501, probablement sur un thème de Mozart lui-même, et complétée par le rondo en la mineur qui apporta une touche de poésie.
Marc Vignal
Péniche Anako, 14 septembre 2014. La programmation de ces Journées est étalée sur une bonne semaine, avec des formations et des compositeurs très divers. Photo © DR