« Pierre-Laurent Aimard va enchaîner les œuvres qui constituent son programme. Il vous demande donc de n’applaudir qu’à la fin ». Le public du Théâtre des Champs-Elysées se le tient pour dit, et ne bronchera pas. Un seul portable sonnera, deux ou trois sièges claqueront. Un auditeur qui assiste à son premier récital de piano aura trouvé l’annonce inutile : de toute évidence, le pianiste n’a joué qu’une seule œuvre, coupée en deux par un entracte. Erreur : il y a du Bartok, du Liszt, du Messiaen et du Ravel. Peu auront vu la jointure entre Nénie (Bartok) et Aux Cyprès de la Villa d’Este (Liszt - Années de Pèlerinage). Quelques-uns auront cru que les Oiseaux tristes (Ravel - Miroirs) sont du même auteur que Le Traquet Stapazin (Messiaen - Catalogue d’Oiseaux). Aimard, disciple de Messiaen, complice de Boulez, a pourtant pris soin de mettre en valeur le style de chaque œuvre, de chaque compositeur, comme s’il tenait à parler le hongrois (Bartok, Liszt) sans plus d’accent que le français (Ravel, Messiaen). C’est même, paradoxalement, pour tout cela que ce jeu de miroirs (tiens !) est si troublant. Pas de bis, cela briserait la glace. Dimanche dernier, toujours dans la saison de Jeanine Roze, Aimard faisait équipe avec Alfred Brendel, dans le cadre du centenaire de Jean-Louis Barrault. Une drôle de paire. A talent égal.
François Lafon
Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 15 octobre
Photo : Felix Broede /DG